MAZLOUM Gracia (NR)

Gracia MAZLOUM née LEVY esr réfugiée à La Baule, Villa Les Canetons, avenue des Cormorans entre au moins décembre 1939 et janvier 1940.

Dossier d'étranger de Gracia MAZLOUM [ADLA 2101W672]
Dossier d’étranger de Gracia MAZLOUM [ADLA 2101W672]

Gracia MAZLOUM née LEVY est née en 1874 à Salonique de nationalité grecque. Elle est veuve d’Isaac né le 8 novembre 1872 à Salonique qui décède jeune à l’âge de 38 ans (le 27 juillet 1911) à Paris (15ème arrondissement). Gracia est mère de 5 enfants : Daisy (née en 1899), Henry (né en 1902), Henriette (née en 1906), Rachel (sans date) et Sarah (Solange) née en 1908. En 1926, Henry exerce la profession de chauffeur, Daisy celle de secrétaire et Sarah celle de couturière. En 1931, Henry est commerçant et Daisy, employée de bureau puis en 1936, secrétaire. La famille habite depuis au moins 1911 toujours au même endroit au 27, rue Pérignon dans le 15ème arrondissement à Paris.

Henriette est mariée avec Albert NAAR, distributeur de films, et la famille fréquente La Baule depuis au moins 1935.

Arlette (née en 1929), Claudine (née en 1927) et Francis (né en 1934), avec leurs parents, Albert et Henriette NAAR La Baule 1935
source : http://www.grenierdesarah.org/index.php/fr/component/content/article?tmpl=component&id=25
Arlette (née en 1929), Claudine (née en 1927) et Francis (né en 1934), avec leurs parents, Albert et Henriette NAAR née MAZLOUM La Baule 1935
source : http://www.grenierdesarah.org/index.php/fr/component/content/article?tmpl=component&id=25

En août 1939, la famille NARR vient passer ses vacances à La Baule et réside Villa Les Canetons Allée des Cormorans vraisemblablement avec Gracia, la mère d’Henriette. Suite à l’entrée en guerre début septembre 1939, les vacanciers (ainsi que toutes les colonies de vacances) se retrouvent bloqués en bord de mer.

Gracia effectue une demande de renouvellement de carte d’identité d’étranger le 8 décembre 1939 (présence de plus de trois mois hors de son département d’origine) et rejoint son domicile parisien le 11 janvier 1940.

Gracia est arrêtée le 5 novembre 1942 puis internée à Drancy.


Archives Nationales Fiches Préfecture Familial F9/5620
Archives Nationales Fiches Préfecture Familial F9/5620

Elle est déportée de Drancy vers Auschwitz 4 jours plus tard par le convoi numéro 44 du 9 novembre 1942 et vu son âge a été gazée dès l’arrivée à Auschwitz.

Liste convoi 44 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

Son beau-fils Albert NAAR et sa fille Henriette sont arrêtés puis déportés par le convoi 67 du 3 février 1944.

BAUR André, Odette, Pierre, Myriam, Antoine, Francine (NR)

Francine (Brigitte, Lia) naît le 22 juin 1940 à La Baule au pavillon Broca, avenue Pavie. [Père : André (Léopold) né le 18 mars 1904 à Paris (8ème arrondissement) et Mère : Odette KAHN née le 29 octobre 1910 à Paris (16ème arrondissement)]. Elle est la dernière de la fratrie. Son frère ainé Pierre (Emmanuel) est né le 16 mars 1933 à Paris (16ème arrondissement), la deuxième Myriam (Fanny) née le 29 juin 1934 à Paris (même arrondissement) et Antoine (Charles, Joël) est né le 14 septembre 1937 à Paris (même arrondissement).

Pavillon Broca Avenue Pavie/Avenue Isabelle

La famille en août 1939 vient passer ses vacances Villa La Véga avenue des Nébuleuses à La Baule et est annoncée comme tel dans l’hebdomadaire La Mouette du 6 août 1939. Elle est accompagnée par le frère d’André et son épouse, Marcel et Denise BAUR.

de gauche à droite : Myriam, Antoine, André, Pierre, Odette et Francine [CDJC]

Le culte israélite est organisé dans la villa où logent les deux familles BAUR, celle d’André et d’Odette et celle de Marcel et Denise.

La Mouette 05 août 1939 p.4 [ADLA, presse en ligne]
La Mouette 05 août 1939 p.4 [ADLA, presse en ligne]

A l’entrée en guerre, André est mobilisé sous le grade de Maréchal des Logis Chef (Il recevra la Croix de Guerre pour la campagne de 1939-1940) et Odette met au monde la petite dernière sans la présence de son mari toujours aux armées le jour de l’arrivée des troupes allemandes à La Baule. La famille a déménagé pour loger Villa Castel Maud boulevard Darlu.

Dans le même temps, Denise BAUR toujours présente à La Baule en juin 1940 exerce la mission de délégué auprès du Comité d’Assistance aux Réfugiés pour le secteur de la presqu’île, celui sur Nantes étant André SEXER. Le CAR créé en juillet 1936 dont le siège se trouve 44, rue de Lisbonne puis en juin 1939 au 60, rue Jouffroy à Paris (13ème arrondissement) subventionné sur dons personnels de ses membres et par le JOINT (American Jewish Distribution Comitee ou JDC) vient en aide aux nombreux réfugiés juifs d’Allemagne ou d’Autriche ou toutes autres nationalités. Louis BAUR, un autre frère d’André, en est un des trésoriers. Ainsi Denise informe le CAR des actions entreprises auprès des personnes dans les communes du littoral dont les familles KOMORNER, WITTKKOSKY, FEINGOLD, AMRAM

La famille rejoint son domicile principal à Paris au 8, rue Alfred Dehodencq, dans le 16e arrondissement (date inconnue).

Le rôle d’André BAUR durant la période 1940-1943 :

Fils d’un banquier juif très engagé dans la vie communautaire juive à Paris, il est le neveu du grand rabbin de Paris Julien Weill, mais aussi du secrétaire général du Consistoire de Paris, Albert Manuel et du professeur de médecine Benjamin Weill-Hallé. On lui connait également des liens de parenté avec l’industriel André Citroën et au juriste Raymond Lindon. Lui-même banquier et président de l’Union libérale israélite (synagogue de la rue Copernic à Paris), André Baur est très sensibilisé à l’étude des textes religieux juifs et au militantisme sioniste (il occupait aussi trésorier pour la France du Fonds national juif- Keren Kayemet le Israël).

André Baur est resté à Paris sous l’Occupation avec son épouse et ses quatre enfants, Il noue alors des relations de confiance avec le Comité des Juifs immigrés de la rue Amelot. A la mi-mars 1942, confronté à une demande du SS Dannecker d’assurer le ravitaillement du premier convoi de déportation prévu en France, André Baur proteste dans une lettre adressée à Xavier Vallat daté du 26 mars 1942.

Le 29 mai 1942, il écrit au président de la Croix Rouge française pour lui demander des informations au sujet des Juifs déportés à Auschwitz, afin de leur apporter un soutien « moral et matériel ». Informé de l’imminence de la rafle du Vel d’Hiv, il transmet l’information aux responsables du Consistoire central à Lyon, par l’intermédiaire de son frère vivant en zone sud. Il rencontre alors Marcel Stora et les responsables du Comité Amelot le 13 juillet, les informe de l’imminence de la rafle et leur propose de fournir des documents de protection à leurs employés. André Baur s’est rendu au Vel d’Hiv pendant la rafle des 16 et 17 juillet pour y constater l’état d’abandon des familles raflées.

S’efforçant de faire face aux besoins d’assistance de la population juive de zone nord, il entretient une correspondance régulière et détaillée avec son oncle Albert Manuel, devenu secrétaire général du Consistoire central à Lyon. Au début de 1943, il mène une négociation difficile avec les Allemands pour préserver le personnel étranger de l’UGIF Nord. Il Effectue en février 1943 un voyage de deux semaines en zone sud avec son secrétaire Armand Katz, dans le cadre d’un projet de réorganisation nationale de l’UGIF. Le 28 avril, à Grenoble, il participe à la réunion constitutive du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC).

Le 11 juillet 1943, Baur demande à rencontrer Pierre Laval pour s’opposer à la politique brutale menée par le SS Brunner au camp de Drancy. Le 21 juillet, l’évasion de deux internés de Drancy, dont l’un est le cousin d’André Baur, sert de prétexte à Brunner pour arrêter ce dernier. En réalité, c’est son indocilité, manifestée par ses démarches au plus haut niveau des autorités françaises, qui semble est la raison réelle de son arrestation. Malgré des demandes de libération faites en sa faveur par le grand rabbin de France, le président du Consistoire central, le président délégué de l’UGIF, et même par Louis Darquier de Pellepoix, André Baur est déporté vers Auschwitz, par le même convoi que Marcel Stora, Fernand Musnik, le rabbin Elie Bloch et la famille de ce dernier.

source : https://www.memorialdelashoah.org/archives-et-documentation/quest-ce-que-la-shoah/personnages-cles-de-la-shoah.html?lettre=b

André est donc interné comme otage à Drancy le 21 juillet 1943, ce qui est par ailleurs précisé dans les circonstances de l’arrestation dans son dossier de la DAVCC.

Selon la déclararation de Marcelle KAHN, mère d’Odette, Odette vient prendre des nouvelles à Drancy de son mari. Elle retourne à son domicile escortée et est arrêtée avec ses quatre enfants puis l’ensemble de la famille est internée à Drancy le 10 septembre 1943.

Placée en catégorie C4 à Drancy (personnes attendant l’arrivée prochaine de leur famille encore en liberté), la famille est placée en catégorie B (immédiatement déportable) et est déportée par le convoi n° 63 du 17 décembre 1943.

Odette 33 ans et ses quatre enfants Pierre 10 ans, Myriam 9 ans, Antoine 6 ans et Francine 3 ans et demi ont été gazés à l’arrivée lors de la sélection sur la rampe d’Auschwitz.

André a été sélectionné pour rentrer dans la partie concentrationnaire d’Auschwitz et est dirigé sur le camp de Monowitz (situé près de l’usine IG Farben). Selon les docteurs HOREAU, HOLITZ et HIRSCH, André a été envoyé à la chambre à gaz en mars 1944. Selon un certain lieutenant BORIS, André BAUR membre de l’UGIF (sans précision de date de naissance) aurait été « exécuté par gaz le 21 janvier 1944« .

Les demandes de statuts de déportés politiques seront déposées par Macelle KAHN mère d’Odette après-guerre et des feuilles de témoignage seront déposées auprès de Yad Vashem par des membres de la famille en leur mémoire.

Un mémoire de maîtrise sera rédigé par Laurent TAUPIN sur André BAUR en 1995 à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris 1).

sources : CDJC/Memorial de la Shoah, Paris, France ; Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains, Caen, France ; Archives Nationales, Pierrefitte-sur-Seine, France ; Archives Départementales de Loire-Atlantique, Nantes, France ; ITS Bad Arolsen, Allemagne ; Yad Vashem, Tel Aviv, Israël .

LÖWENSTAMM Edith, [Alfred, Elsa, Hugo] (NR)

Edith LÖWENSTAMM 1940 [ADLA 2101W663]

Edith LÖWENSTAMM est réfugiée à La Baule entre le 28 février 1940 et le 20 juin 1940, date à laquelle elle rejoint son domicile en Seine-et-Oise, au Pecq au 101, route de Croisy.

Recensement 1936 LE PECQ
Recensement 1936 LE PECQ

Elle séjourne à La Baule Villa les Bourgeons avenue de l’Hallali et retournera au Pecq entre le 16 et le31 mars 1940.

Le tampon « Juive » est apposé sur son récépissé de demande de carte d’identité à l’automne 1940.

Dossier d'étranger d'Edith LOWENSTAMM [ADLA 2101W663]
Dossier d’Etranger d’Edith LOWENSTAMM [ADLA 2101W663]

Edith LÖWENSTAMM est la fille d’Alfred LÖWENSTAMM né le 15 janvier 1880 à Třebíč (en allemand Trebitsch) (République Tchèque) et d’Elsa NICHTENHAUSER née le 18 septembre 1891 à Břeclav (en allemand Lundenbourg) (République Tchèque) mariés le 18 novembre 1913 à Vienne. Edith est née le 11 décembre 1914 à Vienne (Autriche) et a par ailleurs un frère Hugo né le 22 avril 1919 à Vienne (Autriche). Alfred exerce la profession dessinateur de mode comme son père et ils habitent au Pecq (Seine-et-Oise) depuis Octobre 1935.

Certificat de naissance d'Alfred LÖWENSTAMM 
[DAVCC 21 P 480151}
Certificat de naissance d’Alfred LÖWENSTAMM
[DAVCC 21 P 480151}

Alfred est arrêté le 20 février 1943 à son domicile au 101, route de Croissy au Pecq (Seine-et-Oise) par la police française puis transféré le jour même sur le camp de Drancy. André CHADELAT, teinturier-blanchisseur au 105 route de Croissy et Samuel DORES au 101 route de Croissy seront témoins de l’arrestation.

Alfred, son père, est déporté par le convoi numéro 49 du 02 mars 1943 de Drancy vers Auschwitz. En l’absence d’informations, il sera déclaré décédé 5 jours après l’arrivée du convoi soit le 7 février 1943.

Edith n’est pas déportée et décède en France, son frère au Chesnay le 20 mars 2013 et leur mère à Paris en 1981. Elsa fera les démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants dans les années 50 pour l’obtention du statut de déporté politique.

BEILIN-LEWKOW David, Berthe, Lydia, Eugénie (NR)

Lydia BEILIN-LEWKOW 1929 [ADLA 4M 637]
Lydia BEILIN-LEWKOW 1935 [ADLA 2101W575]
Lydia BEILIN-LEWKOW 1938 [ADLA 2101W575]
Lydia BEILIN-LEWKOW (sans date, après 1938) [ADLA 2101W575]

La famille BEILIN-LEWKOW a un lien de parenté avec la famille de Nathan BEILIN du Pouliguen mais nous ignorons lequel. Lydia BEILIN-LEWKOW et sa soeur Eugénie rendent visite à Nathan BEILIN dans sa villa (la villa La Clarté sur la Grande Côte) en 1929 et est réfugiée par ailleurs au Pouliguen en septembre 1939.

Lydia BEILIN-LEWKOW est née le 10 décembre 1906 à Saint-Pétersbourg (Russie) [Père : David BEILIN-LEWKOW né le 6 février 1879 à Balta (Russie) [Père : Abraham et Mère : Sarah LIBERMAN] et Mère : Berthe HALPERINE née le 20 novembre 1887 à Balta (Russie) [Père : Cholom HALPERINE et Mère : Ethel MARGULES]. Lydia a une soeur, Eugénie, née le 1er août 1910 à Saint-Pétersbourg (Russie). La famille a pour nationalité réfugiée d’origine russe.

Eugénie BEILIN-LEWKOW 1929 [ADLA 4M637]

La famille réside au moins depuis 1929 toujours à la même adresse au 49, rue Chardon-Lagache dans le 16ème arrondissement à Paris, quartier d’Auteuil.

Recensement 1936 [Archives Municipales de Paris D2M8642]

En 1935, Eugénie n’habite plus avec ses parents mais réside dans le 16ème arrondissement à Paris, 25, rue de Rémusat.

En 1936, David exerce la profession de négociant.

Lydia et sa mère Ida Sont réfugiées à compter du 7 septembre 1939 au moins jusqu’au 8 juillet 1940 au Pouliguen, rue de la Gare, Villa Les Iris. Elle y font une demande de renouvellement de carte d’identité pour étranger.

Dossier d’étranger de Lydia BEILIN-LEWKOW [ADLA 2101W575]
Villa Les Iris, rue de la Gare, Le Pouliguen

Suite aux persécutions à partir de l’été 1940, David, Berthe et Lydia quittent leur domicile pour habiter 31-33 rue Le Marois dans le 16ème arrondissement à Paris. En mars 1941, vraisemblablement pour migrer aux Etats-Unis, ils effectuent une demande de justificatif de naissance auprès de L’Office des Réfugiés Russes à fournir auprès du Consulat des Etats-Unis.

Lydia est arrêtée au domicile de ses parents du 33 rue Le Marois (16ème arrondissement, Paris) lors de la rafle dite du Vélodrome d’Hiver le 16 juillet 1942 mais en est libérée le 17 juillet 1942 (raison inconnue).

David, Berthe et Lydia passent la ligne démarcation et se réfugient dans le Tarn-et-Garonne dans le village de Saint-Antonin rue de l’hôpital où ils logent chez les MAGENUS dans un appartement.

Berthe et Lydia sont arrêtées par la « Gestapo » à leur domicile le 14 juin 1943, David étant momentanément absent. Le maire de la commune, le docteur Bennet, en novembre 1944 décrit les circonstances de l’arrestation. Il précise : « Le même jour, l’appartement a été complètement pillé par la Gestapo, qui a emporté argent, valeurs, bijoux, fourrures, vêtements et linge, literie ainsi que tous les papiers de famille et de commerce. Ce qui a pu rester a fait l’objet d’un dernier prélèvement du Commissaire aux Affaires Juives, (en conséquence Monsieur BEILIN est resté sans ressources avec seulement la petite somme qu’il avait sur lui et dénué de tout vêtement. Il a échappé à la Gestapo par une absence momentanée et ensuite par le soin qu’ont pris de l’avertir [Manque des mots dans la phrase].« 

Dossier de Lydia BEILIN-LEWKOW [DAVCC 21 P 422872]

Le même jour, 8 autres personnes d’origine étrangère et de confession israélite sont arrêtées dans la commune.

Dossier de Lydia BEILIN-LEWKOW [DAVCC 21 P 422872]

Berthe et Lydia restent à Saint-Antonin du 14 au 16 juin 1943 puis sont transférées à Toulouse où elles restent jusqu’au 24 juin 1943, date de leur transfert puis internement à Drancy.

Elles sont toutes les deux déportées par le même convoi, le numéro 57 du 18 juillet 1943 vers Auschwitz-Birkenau. En l’absence d’information, elles ont été déclarées décédées 5 jours après l’arrivée du convoi soit le 23 juillet 1943, les actes de décès ayant été établis en 2011.

Un certificat d’internement sera remis à l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide) de Montauban le 26 janvier 1945.

Dans les années 50, David entreprend les démarches pour l’obtention du statut de déporté politique pour sa femme et sa fille.

Eugénie décède à Vincennes le 6 août 1996.

MENIOUK Hersch (NR)

Hersch MENIOUK 1940 [ADLA 2101W673]

Hersch MENIOUK est réfugié à Saint-Brévin-les-Pins au moins à partir de janvier 1940 jusqu’au 19 avril 1940, date à laquelle il rejoint son domicile parisien au 4, rue de Thorigny dans le 3ème arrondissement à Paris.

Hersch MENIOUK est né en mai 1870 à Loutzk, capitale de l’oblast de Volhynie à l’Ouest de l’Ukraine [Père : Haïm MENIOUK et Mère : Zelda PREMATT] et est marié avec Nesca (ou Nechka ou Neska) ABELMAN. Marié en 1892 à Odessa, le couple a 11 enfants : Jeanne née à Odessa en 1893, Chaïm (Raymond) MENIOUK née à Odessa en 1895 (qui effectuera une demande auprès de l’Office des réfugiés russes pour justifier de sa nationalité), Charles né à Odessa en 1897, Maurice né à Odessa en 1899, Benjamin en 1901 à Odessa, Judas en 1904 à Odessa, Marcel MENIAC né le 13 août 1906 à Varsovie, Jacob MENIOCK né le 10 juillet 1908 à Saint-Denis, Samuel MENIACK né le 27 août 1910 à Saint-Denis (marié depuis le 23 octobre 1941 avec Sara MANCHEL née le 10 janvier 1901 à Żelechów, Paris 17ème), Henriette MENIOCK né le 18 octobre 1911 à Saint-Denis (décédée à 1 an), Anna MENIAC épouse MANCHEL née le 10 mars 1914 à Saint-Denis (mariée depuis le 23 octobre 1941 avec Abram MANCHEL né le 15 novembre 1921 à Żelechów, Paris 17ème). Samuel s’est marié le même jour que sa soeur Anna, Samuel se mariant avec la soeur de l’époux d’Anna et Anna avec le frère de l’épouse de Samuel.

Hersh exerce la profession de marchand ambulant en 1940 mais il a exercé différentes autres professions : journalier, cordonnier… et effectue une demande de renouvellement de carte d’identité auprès de la Mairie de Saint-Brévin-les-Pins en janvier 1940.

Hersch MENIOUK est arrêté lors d’une rafle par les services de police de la Préfecture de Police de Paris le 11 février 1943, interné au camp de Drancy [le 15 février 1943 selon le Ministère des Anciens Combattants] puis envoyé sur l’Hôpital Rotschild. Il est « réintégré » sur Drancy le 29 juillet 1943 et déporté deux jours plus tard le 31 juillet 1943 vers Auschwitz par le convoi numéro 58.

Anna MANCHEL et Marcel MENIAC s’occuperont des démarches d’obtention de statut de déporté politique dans les années 1950, l’acte de décès établi en 2009 précisant qu’il est décédé cinq jours après l’arrivée du convoi soit le 5 août 1943.

NAIGARTEN Faiga (NR)

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Faiga NAIGARTEN [ADLA 2101W682]

Faiga NAIGARTEN née SZEER est réfugiée au Pouliguen en avril 1940 jusqu’à l’hiver 1940, date à laquelle elle rejoint son domicile parisien.

Faiga est née le 15 juin 1905 à Włocławek (Pologne) et arrive aux alentours du mois d’avril 1940 où elle effectue une demande de renouvellement de carte d’identité pour étranger. Dans l’attente de sa carte, on lui délivre un récépisssé sur le lequel la mention Juive sera apposée. Elle réside au Pouliguen, avenue de Bel-Air, Villa Siroma.

Elle quitte Le Pouliguen le 21 août 1940 pour rejoindre Paris au 3, place Gambetta dans le 20ème arrondissement pour rejoindre (ou avec) son mari David né le 02 mars 1903 à Kalisz de profession tailleur et qui travaille dans la maison Misrahi dans le 2ème arrondissement.

Le couple qui n’a pas d’enfant ne sera pas déporté et sera naturalisé en 1948.

BESSO Joseph, Victoria, Marc, Marize (NR)

Joseph BESSO est né le 21 décembre 1901 à Corfou (Grèce) et est marié avec Victoria BESSO née BESSO née le 16 octobre 1910 à Corfou. Ils ont deux enfants : Marc Ouriel né à Paris vers 1931 et Marize Astrite née vers 1935 à Paris. De nationalité grecque, ils arrivent en France le 1er août 1939 par Marseille provenant d’Egypte avec un visa obtenu auprès du Consulat Général de France au Caire valable six mois jusqu’au 31 décembre 1939.

Joseph BESSO après avoir terminé ses études en Belgique est attaché au siège central de la firme BESSO Frères à Bruxelles [Sabino BESSO né en 1888, Albert BESSO né en 1890, Maurice BESSO né en 1894 et Joseph BESSO né en 1901] d’où elle exporte ses produits manufacturés textiles. A la fondation de la filiale égyptienne en 1928 (ASATRA), il en est l’administrateur-délégué et la filiale se ramifie dans tout le Proche-Orient avec des succursales à Haïfa, Tel-Aviv, Beyrouth et Bagdad. Devant l’activité croissante de cette filiale, la firme BESSO frères fonde au Caire une fabrique de tissage pour manufacturer sur place les articles demandés par le marché local. En 1937 sont construites des usines, les Usines AL KAHIRA employant 240 ouvriers : elles fabriquent des tissus en soie naturelle et artificielle.

Prévenus par Maurice en villégiature à La Baule inquiet de la tournure des évènements en Europe, les trois familles BESSO (Linda et ses trois enfants ; Maurice, son épouse et leurs quatre enfants, Michel, Victoria et leurs deux enfants) vont loger Villa La Brasardière avenue Massenet à compter du 7 septembre 1939. La maison comporte quatre chambres en rez-de-jardin et deux chambres à l’étage.

Villa La Brasardière 1, avenue Massenet La Baule

La famille quitte La Baule à une date inconnue et d’après les indications de Linda dans un de ces courriers rejoint Marseille pour quitter la France. La famille n’a pas été déportée.

Dossier d’étranger de Joseph Michel BESSO [ADLA 4M919]

Dossier d’étranger de Victoria BESSO [ADLA 4M919]

RAVITSKY Jacob (NR)

Jacob RAVITSKY (sans date) [AFMD44]
Jacob RAVITSKY (sans date) [AFMD44/©collection particulière famille Ravitsky]

Jacob RAVITSKY est arrêté le 15 juillet 1942 à Guenrouët alors âgé de 53 ans et déporté le 20 juillet 1942 par le convoi numéro 8 d’Angers vers Auschwitz.

Jankel Jacob Moïse RAVITSKY (prénom usuel Jacob) est arrivé en France en mai 1912 à l’âge de 24 ans. Jacob est né à Bytyn (actuelle Bielorussie) le 15 novembre 1888 et s’était marié peu de temps avant son arrivée en France le 18 mars 1912 à Slonim avec Bassé (prénom usuel Berthe) GOUROVSKY de laquelle il divorce le 30 avril 1925 [Père : Lazare GOUROVSKY et Mère : Malka SCHWONIM]. Deux enfants vont naître de cette union : Lazare né le 5 avril 1913 à Paris (14ème arrondissement) et Emilie Léa née le 27 février 1919 également à Paris (12ème arrondissement) déclarés français le 3 février 1926.

Acte Naissance Lazare RAVITSKY [AN Dossier3179X26 BB/11/9202]
Acte Naissance Emilie RAVITSKY [AN Dossier3179X26 BB/11/9202]

Dans l’incapacité de fournir un acte de mariage lors de la déclaration des enfants en tant que français en 1926, les époux rédigent devant un juge paix un acte de notoriété.

En 1913, Jacob réside au 35 rue Fontaine dans le 14ème arrondissement à Paris, exerce la profession de bijoutier (comme son frère Gerson) tandis que son épouse Berthe exerce celle de corsetière. En 1919, la famille réside à Montmorency (actuel Val d’Oise), rue des Berceaux, Jacob exerce la profession de caoutchoutier (il est propriétaire d’une usine de caoutchouc) tandis que Berthe n’exerce plus de profession.

Au moins à partir de 1926, Jacob réside avec sa nouvelle épouse au 76 rue Notre-Dame de Nazareth dans le 3ème arrondissement à Paris.

Recensement Population 1926 ArtsEtMetiers 3emeArrondissemen [Archives de Paris D2M8_225_0477]
Recensement Population 1926 Arts et Metiers 3ème arrondissement [Archives de Paris D2M8_225_0477]

Jacob exerce la profession de chemisier. Il est propriétaire d’une usine à Sotteville-lès-Rouen qui emploie 250 ouvriers et ouvrières et est également propriétaire d’au moins un magasin de onfection à Paris.

Papier à en_tête de l'entreprise RAVITSKY [Archives Nationales Dossier 23351X25 B/11/9062]
Papier à en_tête de l’entreprise RAVITSKY [Archives Nationales Dossier 23351X25 BB/11/9062]

Jacob effectue une demande naturalisation en 1925 et obtient la nationalité française en 1926 [Dossier 23351X25, BB/11/9062].

Divorcée de son époux le 30 avril 1925, Berthe, sa première épouse effectue une demande de naturalisation en 1928 qu’elle obtient. On y apprend que Berthe à une soeur vivant à Paris au 26 rue Blanche (3ème arrondissement), Véra, marié avec Vladimir PECKER et qu’elle a par ailleurs un frère adoptif Naoum qui lui vit à Moscou. Elle réside depuis octobre 1925 au 45, rue Claude Bernard à Paris (5ème arrondissement). La garde de Emilie-Léa lui a été confiée tandis que Lazare est à la charge de Jacob. Par trois fois, en 1944, des tentatives de dénaturalisation vont avoir lieu à son encontre sans succès. Emile-Léa qui exerçait la profession de dentiste et qui habite avec sa mère au 5, square Albin Cachot à Paris (13ème arrondissement) est interdite d’exercer par arrêté du 2 juillet 1942 mais est relevée de cette interdiction en janvier 1943 (raison inconnue). Berthe a fui à partir de l’été 1942 (vraisemblablement en zone sud).

La nouvelle épouse avec qui Jacob vit se nomme Yvonne BOSSARD, employée de commerce, avec qui il se marie le 17 décembre 1927 à la mairie du 3ème arrondissement. L’un des témoins du mariage est son frère Gerson RAVITSKY, horloger-bijoutier au 64 rue de Pigalle dans le 9ème arrondissement à Paris.

Acte de mariage RAVITSKY/BOSSARD [Archives de Paris, en ligne]

Le père d’Yvonne, son épouse, avait acheté une ferme à Guenrouët et c’est dans cet endroit que le couple vient se réfugier. (Date d’arrivée dans la commune inconnue). L’entreprise RAVITSKY est mise sous séquestre au tout début de l’année 1941 et un administrateur provisoire est nommé afin de liquider l’entreprise.

Jacob est arrêté le 15 juillet 1942 parce que Juif aux environs de Guenrouët. Jacob n’était pas recensé sur l’arrondissement de Saint-Nazaire et était de fait inconnu des services administratifs et/ou de police tant français qu’allemands.


Témoignage de Joseph Ruaud à propos de l’arrestation de Jacob :
La ferme de la Justice, en Guenrouët, fut achetée par Jacob Moïse Ravitsky. Étant juif, il se cachait sous le nom de Jacques Bossard, Bossard étant le nom de sa compagne. Je crois qu’il avait une usine de textile dans la région de Rouen. Le jour où les Allemands sont venus le chercher, ma sœur Titine et Paulette ont entendu des « Au secours ». C’était Madame Bossard, femme de Jacob Moïse Ravitsky, qui appelait au secours, car les Allemands voulaient l’amener à la place de son mari. Elle demanda donc à Titine et Paulette de dire à son mari qui se cachait au Bois de Bougard de se rendre. Elles allèrent donc au Bois de Bougard trouver M. Ravitsky, qui avisé de la situation mis pour la première fois une étoile jaune et dit cette phrase : « Adieu, mes demoiselles, vous ne me reverrez jamais !« 
Source AJPN

Jacob RAVITSKY est transféré sur le Grand Séminaire à Angers le 18 juillet 1942 puis déporté par le convoi numéro 8 d’Angers à Auschwitz le 20 juillet 1942.

Liste convoi 8 Angers-Auschwitz juillet 1942 [ITS Bad Arolsen, en ligne]

Jacob RAVITSKY a été sélectionné à l’arrivée du train pour rentrer dans la partie concentrationnaire d’Auschwitz. Il reçoit à son arrivée le numéro matricule 51314. Un document au Musée d’Etat d’Auschwitz atteste de sa présence et en particulier de son passage dans le block 20 d’Auschwitz 1, le Stamm Lager. http://base.auschwitz.org/wiezien.php?lang=en&ok=osoba&id_osoba=188536. Le block 20 est l' »infirmerie du camp » et les documents retrouvés permettent de connaître sa date d’enregistrement entre le 18 septembre 1942 et le 19 mars 1943.

Il enverra au moins un courrier à sa femme Yvonne RAVITSKY (Chez Monsieur Joseph CHATELIER à Guenrouët) au 08 mars 1943 qui lui enverra 14 courriers jusqu’au 5 octobre 1943.

CDJC 22 P 3074_0139
CDJC 22 P 3074_0139

Ce document est issu des archives du Service 36 de l’UGIF. Les courriers envoyés par des détenus des camps de concentration (majoritairement Auschwitz et ses satellites), ont été envoyés à l’UGIF qui avait à charge de les enregistrer avant de les faire suivre à leurs destinataires. Dans ce fonds se trouve le fichier de suivi des courriers ainsi que les courriers qui n’ont pu être remis. (CDJC, en ligne)

Par ailleurs, le Ministère de la Justice à Paris qui avait instruit le dossier de naturalisation en 1926/1927 est également informé par la belle-soeur de Jacob, Mme SALMON ou SALOMON née BOSSARD demeurant à Aubervilliers 144, rue du Bateau de la demande de celle-ci d’un certificat de nationalité en mai 1943 pour je cite « son beau-frère interné (Haute-Silésie)« 

Note sur jacob RAVITSKY [Archives Nationales Dossier de naturalisation n° 23351X25 BB/11/9062]

Jacob RAVITSKY est décédé à Auschwitz (date inconnue).

Lazaze RAVITSKY, le fils de Jacob, entrera dans un réseau de Résistance sous le pseudonyme de Fontaines et sera décoré par décret publié au Journal Officiel de la République le 13 juillet 1947 de la médaille de la Résistance Française.

L’épouse de Jacob, Jeanne, se rendra au Ministère des Anciens Combattants. Un certificat lui sera remis le 25 avril 1945 attestant de la déportation de son mari.

SCHOULZ Elda (NR)

Elda SCHOULZ [ADLA 2101W720]

François ACHILLE-DELMAS transfère la moitié de ses malades de la maison de santé d’Ivry à la pension Les Charmettes avenue Flornoy à Pornichet peu après l’entrée en guerre de la France avec l’Allemagne soit le 10 septembre 1939. Parmi eux se trouve Elda SCHOULZ née MODIANO née le 23 mai 1884 à Salonique, de nationalité italienne, déjà hospitalisée depuis 12 ans dans la clinique. Elda est la fille de Vittoria (ou Victoria) MODIANO, présente également à Pornichet puis à La Baule, déportée par le convoi 8 , faisant partie des 15 femmes descendues à Drancy le 20 juillet 1942 et décédée à l’hôpital Rotschild en 1944.

Elda SCHOULZ n’est pas recensée en tant que Juif sur l’arrondissement de Saint-Nazaire comme sa mère bien qu’elle soit présente à la Pension Les Charmettes devenue clinique au moins jusqu’en janvier 1942. L’intensité des persécutions antisémites dans la logique de « purification de la race aryenne » pousse les Autorités allemandes et de facto françaises à rechercher tous les Juifs y compris les malades mentaux qu’il faut également déporter. Le maire de Pornichet renvoie ainsi un courrier au Préfet de Loire-Inférieure fin novembre 1941 répondant à sa demande de savoir si Elda SCHOULZ est de confession israélite. Son dossier d’étranger sera marqué de la lettre J (Pour Juif).

Dossier d’étranger d’Elda SCHOULZ [ADLA 2101W720]

Elda SCHOULZ n’a, à notre connaissance, pas été déportée.

MAJEROWICZ Dawid, Anna, Kéhat, Michel, Charles (NR)

Dawid et toute la famille résident à Fégréac un court moment entre 1939 et 1940.

Dawid, Lejzor MAJEROWICZ né le 13 janvier 1900 à Parczew (Pologne), son épouse Anna née NISENKIERN née le 20 août 1906 à Wołomin (Pologne) ainsi que deux de leurs enfants Kéhat né le 10 mai 1930 à Wołomin et Michel né le 3 avril 1934 à Wołomin sont arrivés en France le 1er avril 1937. Charles, le petit dernier, naît le 3 septembre 1938 à Paris (12ème arrondissement).

Dawid possède un passeport polonais délivré à Lodz le 18 mars 1937 valable six mois mais entre en France sans visa. Les durcissements du séjour des étrangers après les décrets-lois d’avril et novembre 1938 du gouvernement Daladier provoquent dès mars 1938 une enquête des autorités françaises qui rend la famille « Indésirable ».

Dossier Police de Sûreté de David Majerowicz [AN 19940462/46]
Dossier Police de Sûreté de Dawid MAJEROWICZ [AN 19940462/46]

Deux lettres vont être écrites, l’une émanant de Dawid Lejzor à Léon Blum en mars 1938 et la seconde émanant de son fils Kéhat à Albert Lebrun, président de la République un an plus tard en mars 1939. la première n’a pas été rédigée par Dawid qui ne parle ni écrit le Français. il peut s’agir d’une traduction d’un texte en yiddish ou en polonais. La qualité de l’écriture témoigne d’une personne lettrée (malgré quelques fautes d’orthographe). Cette lettre poignante est retranscrite telle quelle :

Son excellence Monsieur Léon Blum
ancien Président du Conseil
ancien Vice-Président du Conseil
Président du Parti Socialiste SFIO
Député de l’Aude


Palais Bourbon à Paris

Camerade !

A un moment de loisirs, ouvrez ces quelques pages et lisez les attentivement. Si vous êtes un homme de bonne coeur, si vous comprenez les souffrances des gens qui voyent en vous leur dernier espoir. Si les larmes d’une famille entière peuvent vous toucher, faites un geste humain et donnez une suite favorable à leur humble demande. Merci, merci infiniment et de tout coeur d’avance.

Paris, le 09 mars 1938

Cher Monsieur Léon Blum.

ce n’est pas une histoire banale que vous allez apprendre. Ce n’est pas non plus un bavardage quelconque, mais un appel déchirant et tragique d’une famille de presque cinq personnes en détresse, et à l’extrémité de ses soufrances et qui vous appellent AU SECOURS !!!

J’ai longuement réfléchis et profondément étudié ma situation avant de vous écrire et j’ai risqué ma dernière chance je joue ma dernière carte, et… mon dernier espoir.

Camerade Blum !

Cette demande n’est pas écrit avec de l’encre, mais avec du sang de mon coeur en douleur, et de notre vie à moitié brisé ! Les larmes aux yeux, cinq personnes vous apellent, aidez nous, comprenez nous, et ne refusez pas notre humble demande.

Nous sommes Quatre juifs, de nationalité polonaise, moi, ma femme et deux enfants dont un de 8 ans et un de 4 ans, avec le 3ème enfant ma femme est enceinte du 5ème mois.

Nées, élevées et habitées en pologne, nous n’avons pas pu continuer notre résidence dans ce pays meurtrière des juifs ! L’Antisémitisme, le racisme et autres semblables nous ont fait amère nos jours déjà tristes !

J’ai fondu en larmes, quand mon fils aîné, en arrivant de l’école me demandait : « pourquoi papa m’appelle t’on Youpin ? pourquoi me traite-t-on de sale juif ? suis-je pareil que les autres ? ». Que répondre à cet enfant qui n’a pas compris encore ce que c’est que d’être un juif !

Nous avons tous soufferts, nous comme les enfants, physiquement, matériellement et surtout moralement, cela dépassait toutes les limites, car sans nous flater, nous sommes plutôt des intellectuels.

Quand nos souffrances ont déjà atteintes l’extrémité, nous avons décidées de partir, quitter la pologne, mais où aller ? puisque nulle part nous n’avons pu obtenir de visa d’entrée.

Avec un passeport à mon nom seulement, nous avons tous les quatre commencé une ballade autour d’Europe. Comme des vagabonds nous nous sommes trainés à travers des frontières, quand un matin nous avons aperçu le drapeau tricolore.

SAUVEES !!!

Nous nous trouvions en France dans le pays de l’humanité, de la liberté? Sur le sol de la plus grande et profonde démocratie, et nous avons pensé qu’ici nous pourrons peut-être trouver un asile pour nos corps déjà si fatiguées !

Depuis?… voila onze mois déjà que nous sommes à Paris. Nous y sommes presque installées. La vie ici nous plait énormément, et nous sommes certains de pouvoir refaire ici notre vie si… si nous avions l’autorisation de résider en France.

Malheureusement nous n’avons rien encore, c’est à dire que nous vivons illégalement en France, et le plus malheureux, c’est que nous avons peur de nous adresser à la Préfecture de Police, car supposons que nous soyons frappées d’un arrêt d’expulsion, je ne le supporterai pas, car, où pourrons-nous aller, ailleurs ? en Pologne ? J’aurais préféré plutôt la mort. Mais continuer la vie comme ça il n’est pas possible non plus ! Chaque fois qu’on frappe à la porte, on croit qu’on vient nous arrêter. Sauf le dimanche nous ne sortons jamais de la maison ayant peur qu’on ne nous arrête dans la rue. Et pourtant nous ne sommes pas des misérables, ni des bandits ! Notre seul crime est de ne pas avoir dans la poche la carte d’Identité d’étranger. Mais comment l’obtenir ? Puisque partout on vous réponds, il faudra retourner en Pologne et il n’existe pour moi de plus terrible que d’entendre cela.

Nous nous sommes décidées alors de nous adresser à vous, cher Président, avec le plus pressant appel de nous aider.

Nous ne sommes pas des mendiants ni vagabonds, nous ne sommes pas non plus des gens qui se sont introduits en France pour y commettre des vols, meurtres ou crimes, nous ne sommes que des pauvres gens, qui ne demandons que le droit de résider en France et d’y travailler honnêtement pour gagner le modeste bout de pain, de continuer avec toutes nos forces et capacités pour le bien-être et prospérité du bon pays de la France.

Depuis les premiers jours que nous sommes à Paris, nous sommes installés en logement, notre loyer est toujours régulièrement payé, ainsi que notre gaz, électricité, etc.

En ce qui concerne nos 2 garçons, ils fréquentent ici l’école communale où ils apprennent très bien et se placent parmi les meilleurs élèves (3ème sur 58 élèves). Chose curieuse, en leur demandant s’ils veulent retourner en Pologne, ils vous répondront sans hésitation et malgré leur bas âge,  » nous aimons la France et ne veulent plus de la Pologne ». Voyez-vous que même les gosses ont déjà apprécié ce qu’est la France, ce que c’est la liberté et surtout l’humanité. Là-bas, à l’école on leur avait dit qu’ils sont des Youpins pendant qu’ici, on leur apprends de s’aimer les uns et les autres sans distinction des races, religions ou nationalités. N’est-ce pas humain ? N’est-ce pas logique ? N’est-ce pas la vraie liberté démocratique, n’est-ce pas tout ce qu’il y a d’élémentaire ?

Camerade Blum !

A genoux nous sommes devant vous et vous supplions, ayez pitié de nous et de nos enfants. A votre noble et bon coeur plein d’humanité et de compréhensions nous adressons les plus tragiques des appels, SAUVEZ-NOUS ! AIDEZ-NOUS ! et ne refusez pas notre humble demande au nom de vos nobles et respectueux sentiments que nous éprouvons pour votre grande et honorable personnalité nous vous supplions de nous aider à élever nos enfants comme il faut, de pouvoir leur donner l’instruction qui leur permette de devenir des Hommes sains et nécessaires pour la société, des Hommes dans l’atmosphère de la démocratie et de la liberté.

Donnez-nous également la possibilité que notre enfant qui doit naître d’ici 3 mois puisse porter le nom de citoyen Français ! Et peut-être nous aussi pourrons un jour être incorporés dans la grande famille des Français et assimilés au peuple de la Liberté-Egalité-Fraternité !

Nous ne demandons aucun secours de quelque nature qu’il soit car nous ne l’avons heureusement pas besoin, la seule chose dont nous vous prions c’est de nous aider en l’obtention de nos cartes d’identités d’étrangers !

Vous êtes notre seul et dernier espoir c’est dans vos mains que nous mettons tout notre destin et nous ne doutons pas que votre bon coeur, votre conscience et vos idées d’un véritable socialiste vous guideront vers la réponse favorable.

Sans cette attente et en vous assurant que nous vous serons toujours reconnaissants de nous avoir aidé, avec nos remerciements anticipés, à nos sentiments respectueusement dévoués, ainsi qu’à notre très haute considération.

Majerowicz Dawid Lejzor
Majerowicz Anna
Majerowicz Kehat
Majerowicz Michel

La deuxième lettre, tout aussi poignante, rédigée par son fils Kéhat, est retranscrite telle quelle :

Paris, le 28+3+1939

Monsieur le Président
de la République
Paris

Monsieur le Président,

Papa et Maman viennent de recevoir aujourd’hui un refus de sejour nous n’avons plus le droit de resté en France que jusqu’au 5 avril, nous devont tous partir en Pologne. Papa, Maman mois mon frère Michel et mon petit frère Charles qui est né ici à Paris. Moi je ne veut pas partir en Pologne, je n’aime pas la Pologne, je mieu la France je suis ici le 1er élève dans ma classe à l’école et l’ané dernière j’avais le prix d’excelence. Et pui mon frère Michel ne peu pas partir n’en plus par ce que il est dans un préventoriome à Céton dans le département de l’Orne. mois et mon frère Michel nous avont pensé quand nous serons grand nous seront des soldats français et notre petit frère Charles aussi.

Pourquoi veu ton donc nous renvoyé ? Mon Papa se nais pas un voleur mais un pauvre tailleur et il ne fait de mal à perssonne. Mon Papa dit que nous somme des indésirable. Que se que savedir ? mon Papa voulait écrire à Monsieur le Président mes il ne conait pas le Français alors je lui ai dit tenfepas mois je veux écrire et tu vera que Monsieur le Président nous fera resté en France je sais que monsieur le Président est un gentil Monsieur est que vous avai un bon coeur. le maître nous lavais dit à l’école alors je sai que vous ete gentil et je pense que vous alai dire a la prefecture de police qu’on nous donne des cartes d’identité est qu’on nous laisse ici à Paris.

Quand je suis arivais ici à Paris j’avais presque 7 ans et maintenant je presque 9 ans alors je ne veux plus chez les sales polaques qui m’ont toujours apelai sale juif et puis ils m’ont batus écrié que je doit alai en Palestigne mes ici à l’école on ne me bat pas et on ne me dis pas sales juif alors je veux resté ici. Il y a tant des étranger en France il n’y a donc pas des places pour nous aussie ? Alors je pleure Monsieur le Président et je vous prie de fer quelque chose pour nous que nous pouvont resté en France.

Jusqu’à présent j’ai si bien apri le Françaic et si je doit retrourné en Pologne je vais tous oublié et sa je ne veux pas je vous promai donc d’apprendre encore mieux si vous nous donne la possibilité de resté en France.

Je vous merci beaucoup Monsieur le Président et repondai moi bien vite par se que Papa a dit que la police peut venir nous metre en prisont et j’ai honte de resté en prisont avec des bandis et des voleurs. J’embrasse votre main bien tandrement.

Kéhat Majerowicz
10 rue Emile duployée Paris 18ème

La famille est sommée de quitter le territoire le 5 avril 1939.

Nous ne savons que peu de choses de la famille. En juin 1938, Kéhat est scolarisé à l’école communale 4, rue Erckmann-Chatrian dans le 18ème arrondissement à Paris. La directrice de l’école qui délivre le certificat de scolarité précise : « Très bon écolier, classé 1er de sa division (48 élèves). A toujours été inscrit au tableau d’honneur. Candidat sûr pour le Prix d’Excellence. »

Son frère Michel est quant à lui inscrit en juin 1938 à l’école maternelle 3, rue Saint-Luc dans le 18ème arrondissement à Paris.

Charles, le petit dernier, obtient la nationalité française par déclaration de son père devant le Juge de Paix de la place Jules Joffrin dans le 18ème arrondissement à Paris le 30 septembre 1938, trois semaines après sa naissance.

Michel, atteint de tuberculose, va séjourner du 16 au 31 mars 1939 au Préventorium dans le château de Glaye à Ceton dans l’Orne.

Léon Blum réagit au courrier de Dawid et en informe le directeur de cabinet du Ministère de l’Intérieur (mai 1938). En avril 1939, Le directeur de la Police du Territoire et des Etrangers surseoit à l’expulsion de la famille.

La famille fait partie des évacués de Paris à l’entrée en guerre. Outre les populations d’Alsace-Moselle évacuées vers un certain nombre de départements en province (365000 personnes évacuées dans 304 trains vers le Lot-et-Garonne, Gers et Landes pour le département du Haut-Rhin, Haute-Vienne, Dordogne et Indre pour le département du Bas-Rhin, Vienne et Charente pour le département de la Moselle), il est décidé l’évacuation des enfants de Paris. Le 31 août 1939 à 8h18, un train démarre de la gare Montparnasse avec à son bord 843 garçons de plus de 6 ans en provenance du 18ème arrondissement direction Nantes accompagnés de leurs instituteurs. Il est probable qu’Anna et Charles suivent dans la foulée et arrivent dans le nord du département à Fégréac à la limite de l’arrondissement de Saint-Nazaire.

Dawid est engagé volontaire au recrutement polonais dans la Légion Etrangère (Recrutement Seine) sous le numéro 2316 comme numéro matricule au recrutement à l’entrée en guerre en septembre 1939 mais n’a vraisemblablement pas été appelé.

[Mémoire des Hommes, en ligne]
[Mémoire des Hommes, en ligne]

Le 22 décembre 1939, Dawid effectue sa première demande carte d’identité pour étrangers auprès de la Préfecture de Loire-Inférieure. Il travaille alors comme tailleur chez les frères De Viter à Nantes au moins jusqu’au 11 mars 1940. La famille rejoint son domicile à Paris avant le recensement des Juifs de l’arrondissement de Saint-Nazaire (1er au 21 octobre 1940).

Dawid MAJEROWICZ est le premier à être arrêté le 14 mai 1941 lors de la « rafle » dite du Billet Vert et interné à Pithiviers. Il est remis le 17 juillet 1942 aux Autorités Allemandes selon l’expression consacrée, c’est à dire déporté vers Auschwitz par le convoi numéro 6 le 17 juillet 1942. 3 jours après, le 20 juillet 1942, arrivent son épouse et ses trois enfants victimes de la rafle dite du « Vélodrome d’Hiver »

Anna est déportée par le convoi numéro 16, sans les enfants, de Pithiviers à Auschwitz le 7 août 1942. Kéhat 12 ans, Michel 8 ans et Charles 3 ans et demi restent seuls au camp de Pithiviers pendant 15 jours avant d’être transférés sur le camp de Drancy le 22 août 1942. Ils sont déportés tous les trois le 26 août 1942 par le convoi n°24 de Drancy à Auschwitz. Ils ont été gazés à l’arrivée du convoi.