KOLP Sarah [29]

Sarah KOLP est né le 02 mars 1853 à Nantes (6ème canton) [Père : Maurice MARX et Mère : Sophie SILZ]. Elle est veuve d’Auguste KOLP [né le 30 novembre 1832 à Francfort] et s’était mariée le 20 mai 1878 à Nantes.

Etat civil Sarah KOLP [Archives Nantes, 1E931]
Etat civil Sarah KOLP [Archives Nantes, 1E931]
Acte de mariage KOLP/MARX [DAVCC Caen, 21 P 469 783]
Acte de mariage KOLP/MARX [DAVCC Caen, 21 P 469 783]

A 87 ans, Sarah KOLP passe sa retraite à Sainte-Marie-sur-Mer au Porteau avec son frère Lajeunesse MARX et une nièce Emma KOLP. En septembre/octobre 1939, ils quittent Sainte-Marie pour Pornic, rue des Sables.

La ferme le Porteau Sainte-marie-sur-Mer © collection particulière
La ferme le Porteau Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière

Entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940, Sarah KOLP se fait recenser auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire (ou mairie de Pornic) sous le numéro 29.

Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]
Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]

Sarah KOLP récupère sa carte d’alimentation auprès de la mairie de Pornic le 08 novembre 1941 (catégorie V, personnes de plus de 70 ans).

Registre cartes d’alimentation [Archives Municipales de Pornic, H15]

Elle est arrêtée avec son frère et sa nièce à Pornic le 15 juillet 1942 à son domicile par les autorités allemandes puis transportée sur Nantes puis Angers au Grand Séminaire. Elle fait partie des listes du convoi numéro 8 du 20 juillet 1942 et figure par ailleurs une liste où il est indiquée qu’elle sera dirigée sur Drancy.

Listes arrestations [ADLA 1694W25] et liste convoi 8 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

Les informations concernant son arrestation ont été transmises à Paris pour être répertoriées dans le fichier dit « De Brinon ».

[DAVCC Caen, 21 P 469 783]
[DAVCC Caen, 21 P 469 783]

Internée dans le camp de Drancy, elle est dirigée vers l’hospice de vieillards dépendant de l’hôpital Rothschild au 76 rue de Picpus dans le 12ème arrondissement à Paris. Les personnes malades ou âgées sont toujours considérées comme prisonnières du camp de Drancy. Elle figure sur une liste de 45 personnes établie par l’administration du camp de Drancy des internés âgés de plus de 70 ans devant être hospitalisés dans un asile de vieillards sur ordre du SS-Unterscharführer Heinrichsohn [CDJC, DLIX-7]. Elle y rentre le 26 août 1942.

Prisoner lists of camp Drancy; Letter dated 26.8.1942  with the names Jews, whose detention in the hôpital Rotschild [ITS Bad Aolsen, https://collections.arolsen-archives.org/en/archive/1-1-9-1_2183000/?p=1&doc_id=11184373]
Prisoner lists of camp Drancy; Letter dated 26.8.1942 with the names Jews, whose detention in the hôpital Rotschild [ITS Bad Aolsen, https://collections.arolsen-archives.org/en/archive/1-1-9-1_2183000/?p=1&doc_id=11184373%5D

Elle décède le 12 septembre 1942 au 15, rue Santerre. C’est Pierre MONIN, chef électricien de l’hôpital qui déclare le décès auprès de la mairie du 12ème arrondissement, elle avait 89 ans.

[DAVCC Caen, 21 P 469 783]
[DAVCC Caen, 21 P 469 783]

Jacques ISIDOR, son petit-fils, s’adressera à la fin de la guerre au Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre afin d’obtenir le certificat de décès de sa grand-mère.

Acte de Décès de Sarah KOLP [Archives de Paris, D408_0093]
Acte de Décès de Sarah KOLP [Archives de Paris, D408_0093]

MARX Lajeunesse [28]

Les grands magasins MARX et Cie sont créés à Nantes à la fin du XIXème siècle par Lajeunesse MARX et exploités conjointement par des membres de la famille : Jean et Marcel.

Almanach administratif et commercial 1880 [Château des Ducs de Bretagne, Nantes]
Almanach administratif et commercial 1880 [Château des Ducs de Bretagne, Nantes]

Ils se situent 18, rue du Calvaire et 5, rue Lafayette en plein centre. En juillet 1925, la famille vend ses actions aux Galeries Lafayette afin que les produits vendus soient achetés via la Centrale d’achat des Galeries Lafayette.

En 1925, les Grands Magasins Marx Lajeunesse sont équipés d’une flotte de camionnettes , des Renault MY afin d’assurer le transport des marchandises.

omobiles [ADLA 1902S311]
Registre des déclarations automobiles [ADLA 1902S311]

Lajeunesse MARX est né à Nantes (6ème canton) le 28 mai 1856 [Père : Maurice MARX et Mère : Sophie SILZ]. Il ne se mariera jamais.

Acte de naissance de Lajeunesse MARX [Archives Municipales de Nantes]
Acte de naissance de Lajeunesse MARX [Archives Municipales de Nantes]

Lajeunesse MARX effectue son service militaire en 1874 dans le 113ème Régiment d’Infanterie stationné à Nantes qu’il termine un an plus tard. Il effectue très régulièrement des périodes d’instruction qui le feront passer au grade de lieutenant. En raison de son âge, il ne participera pas à la 1ère guerre mondiale.

Registre Matricule de Lajeunesse MARX [ADLA, 1R0711]
Registre Matricule de Lajeunesse MARX [ADLA, 1R0711]

Il a pris sa retraite en bord de mer où la famille possède une maison d’habitation entouré d’un vignoble de 3 hectares au Porteau à Sainte-Marie-sur-Mer. Il habite chez sa nièce Emma KOLP (69 ans) avec sa soeur Sarah KOLP (86 ans). En septembre/octobre 1939, les trois personnes déménagent pour aller habiter chez Sarah KOLP rue des Sables à Pornic.

La ferme le Porteau Sainte-marie-sur-Mer © collection particulière
La ferme le Porteau Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière

Entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940, Lajeunesse MARX se fait recenser auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire où il est répertorié sous le numéro 28.

Les Autorités Allemandes ordonnent au mois d’octobre 1940 que tous les Juifs du département de Loire-Inférieure doivent déposer leur appareil de TSF. Lajeunesse MARX déposera le sien auprès des Autorités Allemandes à Pornic le 04 novembre 1940.

Confiscation des Postes de TSF [ADLA 1694W24]

Il est arrêté entre le 15 et le 17 juillet 1942 avec sa soeur et sa nièce puis transporté sur Nantes puis Angers au Grand séminaire.

Il est rayé de la liste du convoi numéro 8 d’Angers vers Auschwitz et fait partie de la liste des 14 hommes qui qont dirigés sur Drancy.

Liste convoi 8 [CDJC, Mémorial d ela Shoah, en ligne]
Liste convoi 8 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

Il est interné à Drancy et est transféré avec sa nièce Emma et sa soeur Sarah à l’Hôpital Rotschild. Ils figurent sur une liste datée du 25 août 1942 de 45 internés de plus de 70 ans qui doivent être transférés dans un asile de vieillards sur ordre du SS-Unterscharführer Heinrichsohn (CDJC DLIX-7).

Lajeunesse MARX décède à l’Hôpital Rotschild le 18 mars 1943.

Archives de Paris Acte de décès de Lajeunesse MARX [12ème arrondissement 12D 410]



SEIDENGART Simone, Elisabeth, [André] [15]

André SEIDENGART, Léon CERF, Simone SEIDENGART
© collection particulière

Simone SEIDENGART et Elisabeth (Betty) SEIDENGART septembre 1941
© collection particulière
[la photographie a été prise dans le jardin de la villa Ma Miniou, près de la margelle du puits, toujours existante]
Betty SEIDENGART (15 mois) Juin 1941
© collection particulière

Simonne Anna (Prénom usuel Simone) CERF est née le 19 janvier 1911 à Paris (3ème arrondissement) [Père : CERF Léon, attaché de laboratoire/directeur laboratoire pharmaceutique et Mère : HERSE Aimée]. Elle s’est mariée le 07 avril 1938 à Paris (8ème arrondissement) avec André ZADENGART dit SEIDENGART, né à Saint-Ouen le 16 avril 1911, à l’époque étudiant en médecine. Simone va mettre au monde un enfant : Elisabeth SEIDENGART le 22 avril 1940 à Nantes, 8 rue des Folies Chaillou.

Actes d’Etat civil [Archives Municipales de Paris, AD075EC_03N155_0010 et AD075EC_08M281_0035, en ligne]

Acte de naissance de Elisabeth Augusta SEIDENGART [Archives Municipales de Nantes]


Acte de naissance de Elisabeth Augusta SEIDENGART [Archives Municipales de Nantes]
Acte de mariage d’André SEIDENGART et de Simone [DAVCC 21P551593]

André SEIDENGART passe sa thèse de médecine en 1939 sur le thème de la vaccination infantile.

André ZADANGARD dit SEIDENGART fait prisonnier, médecin de stalag et oflag, est libéré en août 1943. Résistant, sous le nom de André Sochon, André Zadangard est présenté à Maurice Brener (Zazou, Maurice Le Bail) et entre à l’OJC (Organisation Juive de Combat). Il a rapporté de captivité des formulaires et des empreintes de cachets. En liaison avec Maurice Loebenberg (Maurice Cachoud), responsable du service des faux papiers, il rédige des diagnostics et des certificats permettant de procéder à des rapatriements sanitaires, qu’il signe du nom des médecins allemands qu’il a connus. Des hommes recherchés comme Juifs ou réfractaires peuvent ainsi prendre une identité de prisonnier rapatrié et se faire établir les pièces d’identité officielles leur permettant d’échapper aux arrestations et à la déportation. De la fin 1943 à la Libération, son secteur d’activité est Paris. Un des laboratoires de faux papiers était situé avenue de Ségur à Paris (7ème arrondissement).

source : Notice biographique d’André SEIDENGART in Les Anciens de la Résistance Juive en France. – Organisation juive de combat 1940-1945, résistance/sauvetage .- Editions Autrement, collection Mémoire n°124 ; 2006, p. 387

Maurice Cachoud
Attestation d'activité résistante d'André SEIDENGART dans l'OJC
© collection particulière
Attestation d’activité résistante d’André SEIDENGART dans l’OJC
© collection particulière
Attestation de rapatriement (vrai-faux papier ?) du Lazarett du Stammlager VI-G (Infirmerie du camp d’internement VI-G situé à Hemer, Rhénanie, Allemagne) © collection particulière

Extrait de Journal, d’Hélène Berr .- Points, 2008, p. 277

…Je pense à la famille du Dr Seidengart : grands-parents, belle-fille et petite fille de quatre ans, habitant à côté, père, prisonnier de guerre. Un jour, on vient arrêter la famille. La jeune femme a disparu, on ne sait pas ce qu’elle est devenue, le grand-père a été déporté. Puis la grand-mère et la petite fille. Quand le père reviendra, n’y aura-t-il pas de quoi devenir fou ?…

Simone SEIDENGART, qui habite 19 rue Cernuschi dans le 17ème arrondissement à Paris, se déplace en Loire-Inférieure et met au monde à Nantes Elisabeth née le 22 avril 1940 rue des Folies Chaillou. Puis après l’accouchement, elle va rejoindre ses parents à Sainte-Marie dans la villa Ma Miniou que possède la famille depuis 1924.

Villa "Ma Miniou" Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière
Villa « Ma Miniou » Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière

Simone SEIDENGART est enregistrée en tant que réfugiée auprès de la Mairie de Sainte-Marie avec sa belle-mère (Adèle SEIDENGART) et la soeur d’Aimée CERF (Annette TEIFEL). Il n’y a pas de date sur ces cahiers d’écolier faisant office de registres et on supposera que tout le monde est arrivé en même temps et en particulier pour être présent lors de l’accouchement de Simone. Jules TEIFEL, l’un des enfants d’Annette sera déporté par le convoi 73 du 17 mai 1944 de Drancy à Kaunas/Rival (Lithuanie/Estonie) et n’en reviendra pas (Se trouvent également dans le train, le père de Simone VEIL, André JACOB ainsi que son frère Jean JACOB).

Registres d’enregistrement des réfugiés [Archives Municipales de Sainte-Marie-sur-Mer 4H5]

Simone SEIDENGART se fait recenser auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940 sous le numéro 15.

extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]
extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]

Simone et sa fille Elisabeth, son père Léon et sa mère Aimée sont arrêtés le 17 juillet 1942 puis dirigés sur Angers au Grand Séminaire.

Note d’un message téléphonique émanant du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfecture de Loire-Inférieure 27 juillet 1942 [ADLA 1694W25]

Note d'un message téléphonique émanant du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfeture de Loire-Inférieure 27 juillet 1942 [ADLA 1694W25]

Les Juifs en zone occupée sont soumis à un contrôle draconien lors de leurs déplacements. A partir d’octobre 1940, ils doivent se signaler auprès des commissariats ou des mairies au départ et à l’arrivée. Les autorités françaises reportent tous ces déplacements dans un état mensuel qu’ils transmettent par ailleurs aux Autorités Allemandes. Celui de juillet 1942 mentionne donc dans une glaciale froideur toute administrative les arrestations qui ont eu lieu dans l’arrondissement.

ADLA 1694W25

L’arrestation qui a eu lieu dans le bourg de Sainte-Marie en plein mois de juillet a été gravée dans les mémoires :

Témoignage de Mme R., Sainte-Marie-sur-Mer

En juillet 1942, vivaient dans la maison appelée « Ma Miniou » à Sainte-Marie-sur-Mer, Mr et Mme CERF avec leur fille unique, Mme SEIDENGART Simone (le mari de celui-ci étant à l’époque déplacé comme médecin de stalag et d’oflag en Pologne) ainsi que sa fille Elisabeth qui avait deux ans.

Le 15 juillet 1942, le bruit court à Sainte-Marie qu’une famille juive (les MARX) vient d’être arrêtée au Porteau et que deux camions sont garés dans le bourg près de la boulangerie pour emmener la famille CERF.

Mme T., la meilleure amie de Mme SEIDENGART décide d’aller voir ce qu’il se passe. C’est l’heure du déjeuner et le hasard veut qu’un seul garde armé se trouve à la porte du jardin de « Ma Miniou », les autres (des gradés) étant à déjeuner dans une pension de famille pas loin.

Après un moment d’hésitation, Mme T. passe devant le garde qui la laisse entrer et va voir son amie Simone qui lui raconte qu’au moment de l’arrestation, sa petite fille Elisabeth se trouvait chez les voisins et qu’il avait fallu qu’elle aille la chercher. Puis elle donne sur un morceau de papier l’adresse de son mari qui a réussi à lui écrire peu de temps auparavant afin qu’elle puisse le prévenir de son arrestation. Elle lui dit aussi que dans sa lettre son mari lui a raconté avoir rencontré des catholiques et qu’il réfléchissait à se convertir dans cette religion. Elle demande alors à son amie une faveur : faire en sorte que sa fille soit baptisée. Simone part alors détourner l’attention de ses parents (Léon et Aimée) qu’elle sait profondément religieux. Pendant ce temps-là, Mme T. baptise la petite avec l’eau du robinet de la cuisine. Elle les quitte par le même chemin sans un regard pour le garde et regagne sa maison.

En début d’après-midi, la famille est séparée dans les deux camions qui attendaient : le grand-père Léon et sa fille Simone dans l’un, la grand-mère Aimée et sa petite-fille Elisabeth dans l’autre. Personne n’est revenu.

Cette famille était connue comme étant juive et avait une vie simple dans le bourg de Sainte-Marie. On m’a raconté que Monsieur Léon CERF avait été souvent vu en promenade près du château de Pornic et sur le port. Sa femme tricotait beaucoup mais n’aimait pas coudre, elle donnait donc cette tâche à faire à une dame du bourg.

NDLR : pour les MARX, il sagit de Lajeunesse MARX, de sa soeur Sarah KOLP née MARX et d’une nièce Emma KOLP.

Au moment du départ du convoi numéro 8 d’Angers vers Auschwitz, tous les internés au Grand Séminaire sont réunis pour être sélectionnés. Témoignage de Madame LERICHE née GERSTEIN :

Je soussignée Madame LERICHE née GERSTEIN demeurant à Ambert (Puy de Dôme) déclare sous la foi du serment que : Arrêtée par les Allemands à Maulévrier le 23 juillet 1942, j’ai été conduite au Grand Séminaire d’Angers où se trouvaient déjà de nombreuses familles rassemblées.
Je me suis trouvée en présence d’une famille composée d’une jeune femme Madame Simone SEIDENGART née CERF (dont le mari était prisonnier de guerre), de son bébé, la petite Elisabeth SEIDENGART appelée communément Betty et de ses parents, Monsieur Léon CERF et Madame Aimée CERF née HERSE.
On nous fit sortir en vue du tri dans la cour du Grand Séminaire.
Tout d’abord les hommes furent séparés de nous, et les femmes et les enfants furent mis dans un autre groupe.
Madame Simone SEIDENGART dont il s’agit se trouvait dans les premiers rangs, tenant sa fille dans ses bras. L’enfant lui fut brutalement enlevée et rmise à une femme qui se trouvait derrière elle. Le chef de la Gestapo qui effectuait ce tri dit à cette femme qu’elle aurait à s’occuper de la petite Betty SEIDENGART avec ses enfants. A ce moment, Madame Aimée CERF fit valoir qu’elle était la grand-mère et l’enfant lui fut alors remise. C’est alors que Madame SEIDENGART fut mise à part avec tout un groupe de jeunes filles et de jeunes femmes qui devait partir pour l’Allemagne.
Nous avons appris par un détachement de prisonniers qui s’était rendu jusqu’à la gare que ce convoi avait été installé sur des wagons plate-forme entourée de chaînes et gardé par des soldats allemands.
Personnellement, je ne dois mon salut à ce moment qu’à ce que j’étais qu’à une dizaine de rangs derrière.
Fait à Angers, le 19 juillet 1946.

Note dur le témoignage de Madame LERICHE née GERSTEIN : il s’agit de Rose-Marie GERSTEIN épouse LERICHE née le 27 janvier 1914 à Paris et arrêtée à Maulévier (Maine-et-Loire) avec son fils Michel né à Angers le 12 décembre 1940 déportés par le convoi 80A du 02 mai 1944 vers Bergen-Belsen. Tous les deux seront survivants après la guerre.

Suite à la sélection, Elisabeth et sa grand-mère Aimée sont dirigées sur le Camp de La Lande à Monts près de Tours avec sa grand-mère le 23 juillet 1942 dans l’après-midi à 15h31 et donc rayées de la liste du convoi.

Registre chronologique Entrées/Sorties Camp de la Lande [ADIL 120W18]
Registre chronologique Entrées/Sorties Camp de la Lande [ADIL 120W18]
Plan du camp de La Lande [AN F7/15059]
Plan du camp de La Lande [AN F7/15059]

Elles quittent le camp de La Lande pour le camp de Drancy où elles arrivent le 05 septembre 1942 puis elles sont dirigées sur le Camp de Beaune-la-Rolande le 09 mars 1943 qu’elles quittent pour revenir sur le camp de Drancy le 12 juillet 1943. Elisabeth est un temps protégée de la déportation car son père André est prisonnier de guerre. Elles seront déportées elle et sa grand-mère par le convoi 60 du 07 octobre 1943 de Drancy à Auschwitz et gazées dès leur arrivée. Elisabeth avait 3 ans et demi et sa grand-mère 59 ans.

Fichiers Camp de Drancy AN F9/5747 et Fichier Camp de Beaune-la-Rolande AN F9/5770

Simone est déportée par le convoi numéro 8 du 20 juillet 1942 d’Angers à Auschwitz.

Simone SEIDENGART est rentrée dans le camp d’Auschwitz. Sur les registres d’enregistrement des déportés rentrés dans le camp d’Auschwitz, elle est décédée le 19 août 1942, soit 3 semaines après son arrivée. Elle avait 31 ans.

Auschwitz Book Registers [Yad Vashem, en ligne]
Auschwitz Book Registers [Yad Vashem, en ligne]

Un certificat de décès dressé le 28 août 1942 par un des médecins d’Auschwitz le docteur Meyer précise la cause du décès du 19 août 1942 de Simone SEIDENGART: catharre (secrétion) aigüe de l’estomac et de l’intestin, cause du décès à prendre avec les précautions d’usage.

Certificat de décès Auschwitz n°22738/1942 [DAVCC 21P551593]

André effectuera les démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants afin d’obtenir les actes de disparition et les status de Déporté Politique. Simone sera déclarée Morte pour la France. André se remariera après-guerre.

CERF Léon, Aimée [14]

Betty SEIDENGART (17 mois) et Léon CERF, son grand-père 59, ans, septembre 1941
© collection particulière
[la photographie a été prise dans le jardin de la villa Ma Miniou]
Au centre Léon CERF, à droite sa fille Simone SEIDENGART et à gauche, le mari de Simone, André SEIDENGART
© collection particulière

Léon CERF est né le 03 janvier 1882 à Paris (4ème arrondissement) [Père : CERF Wollf, horloger et Mère : ALVITZKI, Augustine, casquetière]. Il est marié avec Aimée née HERSE née le 16 décembre 1883 à Paris (4ème arrondissement) [Père ; HERSE Adolphe, fabricant de casquettes et Mère : WEINDENBACH Laure]. Ils se sont mariés le 04 novembre 1909 à la mairie du 3ème arrondissement à Paris et ont eu fille Simone née le 19 janvier 1911 à Paris (3ème arrondissement).

Léon CERF a fait ses études primaires à l’école de la rue des Francs-Bourgeois et apprend ensuite le métier de son père : horloger-bijoutier. Incorporé le 16 novembre 1904 au 71ème Régiment d’Infanterie à Saint-Brieuc, il est réformé temporairement puis définitivement en 1911. Son père, atteint d’une maladie nerveuse, cède son commerce d’horlogerie-bijouterie en 1911. Léon, qui s’occupait déjà de commission dans diverses branches commerciales, notamment de produits chimiques abandonne le métier de son père et entre en relation avec Monsieur BEYTOUT, pharmacien au 4, boulevard Poissonnière. Monsieur BEYTOUT était le concessionnaire de la maison SCHERRING à Berlin et détenait le monopole de l’urotropine. Léon CERF devient le représentant de la maison SHERRING s’occupant de la publicité et de la vente en gros des produits pharmaceutiques de la maison SHERRING. La guerre de 1914 est déclarée et tout commerce avec la maison allemande devient impossible. Léon devint alors le représentant de commerce de Monsieur BONDU, pharmacien au 70, rue de Bondy puis à partir de 1916, travaille pour la maison LAMBIOTTE et Cie. Il réside alors au 13, boulevard Voltaire chez Monsieur RONDEPIERRE, lui-même pharmacien aux Etablissements LAMBIOTTE. Le 9 juin 1917, il est affecté au 102ème Régiment d’Infanterie à Chartres puis classé Service Auxilliaire un mois plus tard. Le frère de Léon, Michel exerce la profession d’horloger-bijoutier au 14, rue de Miromesnil et réside avec sa femme et ses deux enfants 34, rue du Faubourg Saint-Honoré.

La famille possède une petite maison située à Sainte-Marie sur Mer acquise en 1924 située entre la place de l’église et la mer, la villa Ma Miniou. La famille habite alors 52, rue d’Hauteville dans le 10ème arrondissement à Paris au moment de l’achat de la villa où Léon exerce la profession d’attaché de laboratoire. C’est la profession qu’il déclare au moment du recensement à croiser avec celle déclarée au moment de son internement à Pithiviers : Directeur de la maison CIBA [Chemische Industrie BAsel] . La maison CIBA est un laboratoire pharmaceutique créé en Suisse au milieu du XIXème siècle avec de multiples succursales à l’étranger spécialisé dans les colorants qui diversifie ses activités autour des produits chimiques et parachimiques. Comme beaucoup de laboratoires à l’époque, elle est également maison d’édition et éditera de nombreux ouvrages en particulier sur les hôpitaux parisiens.

Villa "Ma Miniou" Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière
Villa « Ma Miniou » Sainte-Marie-sur-Mer © collection particulière

Nous n’avons pas la date d’arrivée à Saint-Marie sur Mer. Néanmoins, toute la famille y réside très régulièrement (présence avérée en 1918) et s’y retrouve au moins à partir de septembre 1940 et dans la région de Nantes au moins à partir d’avril 1940 puisque la petite-fille de Léon, Elisabeth y naît le 22 avril 1940.

Aimée CERF est enregistrée en tant que réfugiée auprès de la mairie de Sainte-Marie-sur-Mer. Elle est dans le même temps accompagnée par la mère d’André SEIDENGART, Adèle ZADENGART dit SEIDENGART et par la soeur d’Aimée, Annette TEIFEL (née HERSE).

Les mairies gèrent au mieux l’arrivée massive des réfugiés de septembre 1939 et de mai/juin 1940. A Sainte-Marie, ces « registres » prennent la forme de cahiers d’écolier (et il en existe plusieurs) mais aucune date sur aucun d’entre eux. On supposera qu’Adèle SEIDENGART et Annette TEIFEL sont arrivées dans le même temps que le reste de la famille, certainement pour être présentes lors de l’accouchement de Simone. Julien TEIFEL [né le 28 mai 1905 à Paris], l’un des enfants d’Annette sera déporté par le convoi 73 du 17 mai 1944 de Drancy à Kaunas/Rival (Lithuanie/Estonie) et n’en reviendra pas (Se trouvent également dans le train, le père de Simone VEIL, André JACOB ainsi que son frère Jean JACOB).

Registres sur cahiers d’écolier des réfugiés [Archives Municipales de Sainte-Marie-sur-Mer 4H5]

Léon CERF se fait recenser en tant que Juif auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940 sous le numéro 14.

Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]
Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]

Suite à l’ordonnance allemande du 13 août 1941, tous les postes de TSF appartenant aux juifs sont confisqués. Cette ordonnance avait été largement anticipée par les Autorités Allemandes fin octobre 1940 puisque celles-ci font paraître un avis dans « Le Phare » et l’ « Ouest-Eclair » demandant à ce que tous les postes soient remis à la Kreiskommandantur à Saint-Nazaire pour ce qui concerne l’arrondissement.

En octobre et novembre 1941, les Autorités Allemandes demandent aux Autorités Françaises d’effectuer des perquisitions domiciliaires afin de vérifier que tous les postes ont bien été rendus, ce qui sera fait par tous les commissariats de l’arrondissement de Nantes ainsi que dans les autres arrondissements, chaque commissariat rendant compte auprès de la Préfceture des perquisitions effectuées. Léon CERF avait remis son poste de TSF le 03 décembre 1940 aux Autorités Allemandes.

Confiscation des postes de TSF [ADLA 1694W24]

La villa Ma Miniou est mise sous séquestre dans un premier temps par Maître THUILLIER le 25 novembre 1942, avoué, docteur en droit, immeuble « Les Brisants » au Pouliguen puis par Gabriel HERVOUËT le 02 août 1943, arbitre de commerce à Saint-Nazaire suite à la démission de Maître THUILLIER. Après inventaire en présence du maire de Sainte-Marie, un état de la propriété est dressé par André Montagne, architecte à Pornic, la maison est proposée à la vente 198000 francs en juin 1943.

Cet inventaire extrêmement précis ne laisse aucun doute : la villa a été « visitée » entre le 16 juillet 1942 et le mois de juin 1943 : toute la vaisselle de cuisine est manquante, pas de table, ni chaises et il n’y a plus ni boiseries de lits, ni sommiers, ni matelas dans les trois chambres…

Lettre du CGQJ au Préfet de Loire-Inférieure 30 juin 1943 [AN AJ38/4599 dossier n°8057]
Lettre du CGQJ au Préfet de Loire-Inférieure 30 juin 1943 [AN AJ38/4599 dossier n°8057]

Le 11 décembre 1943, un architecte de la famille, Monsieur BIRON va défendre les intérêts de la famille et insiste à ce que la maison ne soit ni vendue, ni louée.

Lettre de Monsieur BIRON à Gabriel HERVOUËT 11 décembre 1943 [AN, CGQJ, AJ38/4599 dossier n°8057]

Fort de cette information, l’administrateur provisoire voyant que l’éventuelle commission résultant de la vente ne pourra lui être versée, écrit au Préfet pour connaître la position qu’il doit adopter.

[AN, AJ38/4599 dossier n°8057]
[AN, AJ38/4599 dossier n°8057]

Et trouve une « solution » en proposant la villa à la location, contre l’avis de l’architecte défendant les intérêts de la famille, sans accord des autorités allemandes…

La villa à priori ne sera jamais vendue.

Les époux CERF sont arrêtés le 17 juillet 1942 à Saint-Marie avec leur fille et petite fille et dirigés sur Angers au Grand Séminaire.

Liste arrestations du 15, 16 et 17 juillet 1942 arrondissement de Saint-Nazaire [ADLA 1694W25]
Liste arrestations du 15, 16 et 17 juillet 1942 arrondissement de Saint-Nazaire [ADLA 1694W25]

Retranscription message téléphonique du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfecture de Loire-Inférieure 27 juillet 1942 [ADLA 1694W25]

Retranscription message téléphonique du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfecture de Nantes 28 juillet 1942 [ADLA 1694W25]

Les Juifs en zone occupée sont soumis à un contrôle draconien lors de leurs déplacements. A partir d’octobre 1940, ils doivent se signaler auprès des commissariats ou des mairies au départ et à l’arrivée. Les autorités françaises reportent tous ces déplacements dans un état mensuel qu’ils transmettent par ailleurs aux Autorités Allemandes. Celui de juillet 1942 mentionne donc dans une glaciale froideur toute administrative les arrestations qui ont eu lieu dans l’arrondissement.

ADLA 1694W25

L’arrestation qui a eu lieu dans le bourg de Sainte-Marie en plein mois de juillet a été gravée dans les mémoires :

Témoignage de Mme R., Sainte-Marie-sur-Mer

En juillet 1942, vivaient dans la maison appelée « Ma Miniou » à Sainte-Marie-sur-Mer, Mr et Mme CERF avec leur fille unique, Mme SEIDENGART Simone (le mari de celui-ci étant à l’époque déplacé comme médecin de stalag et d’oflag en Pologne) ainsi que sa fille Elisabeth qui avait deux ans.

Le 15 juillet 1942, le bruit court à Sainte-Marie qu’une famille juive (les MARX) vient d’être arrêtée au Porteau et que deux camions sont garés dans le bourg près de la boulangerie pour emmener la famille CERF.

Mme T., la meilleure amie de Mme SEIDENGART décide d’aller voir ce qu’il se passe. C’est l’heure du déjeuner et le hasard veut qu’un seul garde armé se trouve à la porte du jardin de « Ma Miniou », les autres (des gradés) étant à déjeuner dans une pension de famille pas loin.

Après un moment d’hésitation, Mme T. passe devant le garde qui la laisse entrer et va voir son amie Simone qui lui raconte qu’au moment de l’arrestation, sa petite fille Elisabeth se trouvait chez les voisins et qu’il avait fallu qu’elle aille la chercher. Puis elle donne sur un morceau de papier l’adresse de son mari qui a réussi à lui écrire peu de temps auparavant afin qu’elle puisse le prévenir de son arrestation. Elle lui dit aussi que dans sa lettre son mari lui a raconté avoir rencontré des catholiques et qu’il réfléchissait à se convertir dans cette religion. Elle demande alors à son amie une faveur : faire en sorte que sa fille soit baptisée. Simone part alors détourner l’attention de ses parents (Léon et Aimée) qu’elle sait profondément religieux. Pendant ce temps-là, Mme T. baptise la petite avec l’eau du robinet de la cuisine. Elle les quitte par le même chemin sans un regard pour le garde et regagne sa maison.

En début d’après-midi, la famille est séparée dans les deux camions qui attendaient : le grand-père Léon et sa fille Simone dans l’un, la grand-mère Aimée et sa petite-fille Elisabeth dans l’autre. Personne n’est revenu.

Cette famille était connue comme étant juive et avait une vie simple dans le bourg de Sainte-Marie. On m’a raconté que Monsieur Léon CERF avait été souvent vu en promenade près du château de Pornic et sur le port. Sa femme tricotait beaucoup mais n’aimait pas coudre, elle donnait donc cette tâche à faire à une dame du bourg.

NDLR : pour les MARX, il sagit de Lajeunesse MARX, de sa soeur Sarah KOLP née MARX et d’une nièce Emma KOLP.

Léon CERF n’est pas rayé de la liste du convoi numéro 8 mais n’a pas été déporté par ce convoi. Il fait partie des personnes descendues à Paris lors du trajet du convoi.

Liste Convoi 8 des 14 hommes descendus à Drancy [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]
Liste Convoi 8 des 14 hommes descendus à Drancy [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

Il est interné à Drancy puis envoyé au Camp de Pithiviers le 04 septembre 1942 et « remis aux Autorités d’Occupation » le 20 septembre 1942. Il sera déporté par le convoi numéro 35 le 21 septembre 1942 de Pithiviers à Auschwitz.

Fichier Camp de Pithiviers CERF Léon recto/verso [AN F9/5753]

Aimée CERF et sa petite-fille Elisabeth SEIDENGART sont rayées de la liste du convoi numéro 8 et envoyées au Camp de La Lande à Monts près de Tours où elles arrivent le 20 juillet 1942 dans l’après-midi.

Registre Entrées/Sorties Camp de la Lande [ADIL 120W18]
Registre Entrées/Sorties Camp de la Lande [ADIL 120W18]

Elles sont envoyées sur Drancy le 04 septembre 1942 puis envoyées au camp de Beaune-la-Rolande le 09 mars 1943 puis renvoyées sur le camp de Drancy le 12 juillet 1943. Aimée CERF et sa petite-fille sont protégées un temps de la déportation puisque André, le père d’Elisabeth est prisonnier de guerre. Elles seront déportées par le convoi numéro 60 le 07 octobre 1943 de Drancy vers Auschwitz et gazées à l’arrivée du convoi. Aimée CERF avait 59 ans et Elisabeth 3 ans et demi.

Fichier Camp de Drancy CERF Aimée recto/verso [AN F9/5685]

Liste convois numéro 35, 60 et 8 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

A l’arrivée du convoi à Auschwitz, Léon CERF, 60 ans est sélectionné pour rentrer dans le camp et figure sur les registres d’enregistrement du camp. Il est décédé le 10 octobre 1942, à l’âge de 60 ans, 15 jours après son arrivée.

Registre des personnes décédées à Auschwitz [Yad Vashem, en ligne]
Registre des personnes décédées à Auschwitz [Yad Vashem, en ligne]

C’est André SEIDENGART, gendre de Léon CERF, qui s’occupera après-guerre des démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants.