
© collection particulière
[la photographie a été prise dans le jardin de la villa Ma Miniou]

© collection particulière
Léon CERF est né le 03 janvier 1882 à Paris (4ème arrondissement) [Père : CERF Wollf, horloger et Mère : ALVITZKI, Augustine, casquetière]. Il est marié avec Aimée née HERSE née le 16 décembre 1883 à Paris (4ème arrondissement) [Père ; HERSE Adolphe, fabricant de casquettes et Mère : WEINDENBACH Laure]. Ils se sont mariés le 04 novembre 1909 à la mairie du 3ème arrondissement à Paris et ont eu fille Simone née le 19 janvier 1911 à Paris (3ème arrondissement).



Léon CERF a fait ses études primaires à l’école de la rue des Francs-Bourgeois et apprend ensuite le métier de son père : horloger-bijoutier. Incorporé le 16 novembre 1904 au 71ème Régiment d’Infanterie à Saint-Brieuc, il est réformé temporairement puis définitivement en 1911. Son père, atteint d’une maladie nerveuse, cède son commerce d’horlogerie-bijouterie en 1911. Léon, qui s’occupait déjà de commission dans diverses branches commerciales, notamment de produits chimiques abandonne le métier de son père et entre en relation avec Monsieur BEYTOUT, pharmacien au 4, boulevard Poissonnière. Monsieur BEYTOUT était le concessionnaire de la maison SCHERRING à Berlin et détenait le monopole de l’urotropine. Léon CERF devient le représentant de la maison SHERRING s’occupant de la publicité et de la vente en gros des produits pharmaceutiques de la maison SHERRING. La guerre de 1914 est déclarée et tout commerce avec la maison allemande devient impossible. Léon devint alors le représentant de commerce de Monsieur BONDU, pharmacien au 70, rue de Bondy puis à partir de 1916, travaille pour la maison LAMBIOTTE et Cie. Il réside alors au 13, boulevard Voltaire chez Monsieur RONDEPIERRE, lui-même pharmacien aux Etablissements LAMBIOTTE. Le 9 juin 1917, il est affecté au 102ème Régiment d’Infanterie à Chartres puis classé Service Auxilliaire un mois plus tard. Le frère de Léon, Michel exerce la profession d’horloger-bijoutier au 14, rue de Miromesnil et réside avec sa femme et ses deux enfants 34, rue du Faubourg Saint-Honoré.
La famille possède une petite maison située à Sainte-Marie sur Mer acquise en 1924 située entre la place de l’église et la mer, la villa Ma Miniou. La famille habite alors 52, rue d’Hauteville dans le 10ème arrondissement à Paris au moment de l’achat de la villa où Léon exerce la profession d’attaché de laboratoire. C’est la profession qu’il déclare au moment du recensement à croiser avec celle déclarée au moment de son internement à Pithiviers : Directeur de la maison CIBA [Chemische Industrie BAsel] . La maison CIBA est un laboratoire pharmaceutique créé en Suisse au milieu du XIXème siècle avec de multiples succursales à l’étranger spécialisé dans les colorants qui diversifie ses activités autour des produits chimiques et parachimiques. Comme beaucoup de laboratoires à l’époque, elle est également maison d’édition et éditera de nombreux ouvrages en particulier sur les hôpitaux parisiens.

Nous n’avons pas la date d’arrivée à Saint-Marie sur Mer. Néanmoins, toute la famille y réside très régulièrement (présence avérée en 1918) et s’y retrouve au moins à partir de septembre 1940 et dans la région de Nantes au moins à partir d’avril 1940 puisque la petite-fille de Léon, Elisabeth y naît le 22 avril 1940.
Aimée CERF est enregistrée en tant que réfugiée auprès de la mairie de Sainte-Marie-sur-Mer. Elle est dans le même temps accompagnée par la mère d’André SEIDENGART, Adèle ZADENGART dit SEIDENGART et par la soeur d’Aimée, Annette TEIFEL (née HERSE).
Les mairies gèrent au mieux l’arrivée massive des réfugiés de septembre 1939 et de mai/juin 1940. A Sainte-Marie, ces « registres » prennent la forme de cahiers d’écolier (et il en existe plusieurs) mais aucune date sur aucun d’entre eux. On supposera qu’Adèle SEIDENGART et Annette TEIFEL sont arrivées dans le même temps que le reste de la famille, certainement pour être présentes lors de l’accouchement de Simone. Julien TEIFEL [né le 28 mai 1905 à Paris], l’un des enfants d’Annette sera déporté par le convoi 73 du 17 mai 1944 de Drancy à Kaunas/Rival (Lithuanie/Estonie) et n’en reviendra pas (Se trouvent également dans le train, le père de Simone VEIL, André JACOB ainsi que son frère Jean JACOB).
Registres sur cahiers d’écolier des réfugiés [Archives Municipales de Sainte-Marie-sur-Mer 4H5]




Léon CERF se fait recenser en tant que Juif auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940 sous le numéro 14.
![Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/02/cerflc3a9onrecensement.jpg)
Suite à l’ordonnance allemande du 13 août 1941, tous les postes de TSF appartenant aux juifs sont confisqués. Cette ordonnance avait été largement anticipée par les Autorités Allemandes fin octobre 1940 puisque celles-ci font paraître un avis dans « Le Phare » et l’ « Ouest-Eclair » demandant à ce que tous les postes soient remis à la Kreiskommandantur à Saint-Nazaire pour ce qui concerne l’arrondissement.
En octobre et novembre 1941, les Autorités Allemandes demandent aux Autorités Françaises d’effectuer des perquisitions domiciliaires afin de vérifier que tous les postes ont bien été rendus, ce qui sera fait par tous les commissariats de l’arrondissement de Nantes ainsi que dans les autres arrondissements, chaque commissariat rendant compte auprès de la Préfceture des perquisitions effectuées. Léon CERF avait remis son poste de TSF le 03 décembre 1940 aux Autorités Allemandes.
Confiscation des postes de TSF [ADLA 1694W24]








La villa Ma Miniou est mise sous séquestre dans un premier temps par Maître THUILLIER le 25 novembre 1942, avoué, docteur en droit, immeuble « Les Brisants » au Pouliguen puis par Gabriel HERVOUËT le 02 août 1943, arbitre de commerce à Saint-Nazaire suite à la démission de Maître THUILLIER. Après inventaire en présence du maire de Sainte-Marie, un état de la propriété est dressé par André Montagne, architecte à Pornic, la maison est proposée à la vente 198000 francs en juin 1943.
Cet inventaire extrêmement précis ne laisse aucun doute : la villa a été « visitée » entre le 16 juillet 1942 et le mois de juin 1943 : toute la vaisselle de cuisine est manquante, pas de table, ni chaises et il n’y a plus ni boiseries de lits, ni sommiers, ni matelas dans les trois chambres…
![Lettre du CGQJ au Préfet de Loire-Inférieure 30 juin 1943 [AN AJ38/4599 dossier n°8057]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/02/21cerf30061943.jpg)
Le 11 décembre 1943, un architecte de la famille, Monsieur BIRON va défendre les intérêts de la famille et insiste à ce que la maison ne soit ni vendue, ni louée.
Lettre de Monsieur BIRON à Gabriel HERVOUËT 11 décembre 1943 [AN, CGQJ, AJ38/4599 dossier n°8057]


Fort de cette information, l’administrateur provisoire voyant que l’éventuelle commission résultant de la vente ne pourra lui être versée, écrit au Préfet pour connaître la position qu’il doit adopter.
![[AN, AJ38/4599 dossier n°8057]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/02/28cerf08121943.jpg)
Et trouve une « solution » en proposant la villa à la location, contre l’avis de l’architecte défendant les intérêts de la famille, sans accord des autorités allemandes…


La villa à priori ne sera jamais vendue.
Les époux CERF sont arrêtés le 17 juillet 1942 à Saint-Marie avec leur fille et petite fille et dirigés sur Angers au Grand Séminaire.
Retranscription message téléphonique du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfecture de Loire-Inférieure 27 juillet 1942 [ADLA 1694W25]
![Retranscription message téléphonique du commissariat spécial de Saint-Nazaire à la Préfecture de Nantes 28 juillet 1942 [ADLA 1694W25]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/02/01arrestationsseidengartjuillet1942adla1694w25.jpg)
Les Juifs en zone occupée sont soumis à un contrôle draconien lors de leurs déplacements. A partir d’octobre 1940, ils doivent se signaler auprès des commissariats ou des mairies au départ et à l’arrivée. Les autorités françaises reportent tous ces déplacements dans un état mensuel qu’ils transmettent par ailleurs aux Autorités Allemandes. Celui de juillet 1942 mentionne donc dans une glaciale froideur toute administrative les arrestations qui ont eu lieu dans l’arrondissement.

L’arrestation qui a eu lieu dans le bourg de Sainte-Marie en plein mois de juillet a été gravée dans les mémoires :
Témoignage de Mme R., Sainte-Marie-sur-Mer
En juillet 1942, vivaient dans la maison appelée « Ma Miniou » à Sainte-Marie-sur-Mer, Mr et Mme CERF avec leur fille unique, Mme SEIDENGART Simone (le mari de celui-ci étant à l’époque déplacé comme médecin de stalag et d’oflag en Pologne) ainsi que sa fille Elisabeth qui avait deux ans.
Le 15 juillet 1942, le bruit court à Sainte-Marie qu’une famille juive (les MARX) vient d’être arrêtée au Porteau et que deux camions sont garés dans le bourg près de la boulangerie pour emmener la famille CERF.
Mme T., la meilleure amie de Mme SEIDENGART décide d’aller voir ce qu’il se passe. C’est l’heure du déjeuner et le hasard veut qu’un seul garde armé se trouve à la porte du jardin de « Ma Miniou », les autres (des gradés) étant à déjeuner dans une pension de famille pas loin.
Après un moment d’hésitation, Mme T. passe devant le garde qui la laisse entrer et va voir son amie Simone qui lui raconte qu’au moment de l’arrestation, sa petite fille Elisabeth se trouvait chez les voisins et qu’il avait fallu qu’elle aille la chercher. Puis elle donne sur un morceau de papier l’adresse de son mari qui a réussi à lui écrire peu de temps auparavant afin qu’elle puisse le prévenir de son arrestation. Elle lui dit aussi que dans sa lettre son mari lui a raconté avoir rencontré des catholiques et qu’il réfléchissait à se convertir dans cette religion. Elle demande alors à son amie une faveur : faire en sorte que sa fille soit baptisée. Simone part alors détourner l’attention de ses parents (Léon et Aimée) qu’elle sait profondément religieux. Pendant ce temps-là, Mme T. baptise la petite avec l’eau du robinet de la cuisine. Elle les quitte par le même chemin sans un regard pour le garde et regagne sa maison.
En début d’après-midi, la famille est séparée dans les deux camions qui attendaient : le grand-père Léon et sa fille Simone dans l’un, la grand-mère Aimée et sa petite-fille Elisabeth dans l’autre. Personne n’est revenu.
Cette famille était connue comme étant juive et avait une vie simple dans le bourg de Sainte-Marie. On m’a raconté que Monsieur Léon CERF avait été souvent vu en promenade près du château de Pornic et sur le port. Sa femme tricotait beaucoup mais n’aimait pas coudre, elle donnait donc cette tâche à faire à une dame du bourg.
NDLR : pour les MARX, il sagit de Lajeunesse MARX, de sa soeur Sarah KOLP née MARX et d’une nièce Emma KOLP.
Léon CERF n’est pas rayé de la liste du convoi numéro 8 mais n’a pas été déporté par ce convoi. Il fait partie des personnes descendues à Paris lors du trajet du convoi.
Il est interné à Drancy puis envoyé au Camp de Pithiviers le 04 septembre 1942 et « remis aux Autorités d’Occupation » le 20 septembre 1942. Il sera déporté par le convoi numéro 35 le 21 septembre 1942 de Pithiviers à Auschwitz.
Fichier Camp de Pithiviers CERF Léon recto/verso [AN F9/5753]


Aimée CERF et sa petite-fille Elisabeth SEIDENGART sont rayées de la liste du convoi numéro 8 et envoyées au Camp de La Lande à Monts près de Tours où elles arrivent le 20 juillet 1942 dans l’après-midi.
Elles sont envoyées sur Drancy le 04 septembre 1942 puis envoyées au camp de Beaune-la-Rolande le 09 mars 1943 puis renvoyées sur le camp de Drancy le 12 juillet 1943. Aimée CERF et sa petite-fille sont protégées un temps de la déportation puisque André, le père d’Elisabeth est prisonnier de guerre. Elles seront déportées par le convoi numéro 60 le 07 octobre 1943 de Drancy vers Auschwitz et gazées à l’arrivée du convoi. Aimée CERF avait 59 ans et Elisabeth 3 ans et demi.
Fichier Camp de Drancy CERF Aimée recto/verso [AN F9/5685]




Liste convois numéro 35, 60 et 8 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]



A l’arrivée du convoi à Auschwitz, Léon CERF, 60 ans est sélectionné pour rentrer dans le camp et figure sur les registres d’enregistrement du camp. Il est décédé le 10 octobre 1942, à l’âge de 60 ans, 15 jours après son arrivée.
C’est André SEIDENGART, gendre de Léon CERF, qui s’occupera après-guerre des démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants.