La famille CARON est une famille réfugiée d’Alsace Lorraine suite à l’évacuation des populations civiles du tout début septembre 1939. La famille va résider au Pouliguen près de trois ans.
De profession quincailler, Henri CARON est né à Mertzwiller dans le Bas-Rhin le 02 mars 1885 [Père : Marx et Mère : Henriette HERTZOG. Il est marié avec Alice Rachel née WEIL [Père : Constantin dit Gustave et Mère : Rosalie WEILL] née le 16 novembre 1890 à Erstein (Bas-Rhin) le 09 novembre 1920 dans la commune de son épouse, à Erstein donc.
De cette union vont naître trois enfants : Yvonne Hélène, l’aînée, [prénom usuel Yvonne], née le 28 janvier 1922, Lucien, le cadet, né le 08 décembre 1924 et Denise Carmen, [prénom usuel Denise] la benjamine, née le 03 décembre 1926. Les trois enfants naissent à Mertzwiller.
Comme 380000 alsaciens mosellans, Henri Caron est mobilisé dans l’armée allemande à la première guerre mondiale [du 08 novembre 1916 au 09 mars 1917 comme soldat].
Suite à la victoire de la France, il est réintégré de plein droit dans la nationalité française.
Henri CARON travaille et tient la quincaillerie avec son frère Achille (né en 1879 à Mertzwiller).
Lors d’un concours organisé par la communauté juive de Mertzwiller au moment de la fête d’Hanoucca, Yvonne CARON va remporter le troisième prix.
Texte d’Yvonne CARON in [La Tribune Juive Paris Strasbourg 20 décembre 1935 p. 888]
Sur la côte, toute la famille, arrivée en septembre 1939, réside dans une petite villa, la Villa Paulette, rue de Verdun au Pouliguen. Ils en sont locataires auprès du propriétaire, Madame Veuve AMIAUD qui réside aux Sorinières à côté de Nantes. Yvonne, pour subvenir aux besoins de la famille a trouvé un travail : employée de commerce dans le magasin « Paris Nouveautés » situé Promenade du Port au Pouliguen.
Conformément à la 1ère ordonnance allemande, Henri CARON va se déclarer en tant que Juif auprès la sous-préfecture de Saint-Nazaire et apparaît sous le numéro 23.
![Extrait liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/03/caronrecensement.jpg)
La famille est arrêtée par les Autorités Allemandes le 15 juillet 1942 à son domicile.
Listes d’arrestations [ADLA 1694W25] et Note sur la situation de la famille CARON [Archives Nationales AJ38/4600 dossier 8252]



Témoignage de Me J., voisine de la famille CARON (janvier 2015)
« Les Caron, ils habitaient Villa Paulette et ils sont arrivés de Strasbourg et lui était rabbin : ma grand-mère avait l’écharpe et le chandelier. Ma grand-mère habitait ici et ils ont été là un moment.
Ils ont été dénoncés mais ils avaient été prévenus par une dame qui s’appelait Maria et qui travaillait à la Kommandantur rue Général Leclerc là où est actuellement l’Agence Centrale. Et elle les avaient prévenus. Mais ils n’ont pas voulu partir. Et le jour où les allemands sont venus les arrêter, Madame CARON avait prévenue ma grand-mère parce que ma grand-mère avait des poules, des lapins, des oeufs et leur vendaient des fruits et tout ça. Elle lui avait dit : « Si on est arrêté, sur le dessus de l’armoire, il y a une mallette avec des actions, il y a des bijoux à tel endroit, surtout vous prenez tout ça. »
Alors, avec la dame qu’habitait là, Madame Lallemand, ma grand-mère a donc récupéré la valise d’actions qu’elle a enterré dans son poulailler pour ne pas être arrêtée et Madame Lallemand avait pris les bijoux qu’elle a porté au notaire. Et ma grand-mère, elle a gardé ça toute la guerre. »
« Et alors la plus jeune, Denise, elle était presque tout le temps chez ma grand-mère. Moi je jouais avec elle quand je venais en vacances. J’étais plus jeune. J’ai que 81 ans. Et alors sa soeur est venue la chercher.
Et ma grand-mère dit : « Ne dites-pas qu’elle est là ; Moi je la garde, je vais essayer de la sauver. »
Mais elle n’a pas voulu parce qu’elle a dit :
« Les Allemands savent qu’on est trois et vous auriez des ennuis, vous seriez aussi déportés. »
Alors, elle dit « Non, on l’emmène ». Et c’est comme ça qu’ils sont partis.
« Vous me dites qu’ils ont été dénoncés ? »
Ah oui, oui, j’ai toujours entendu ma grand-mère le dire.
« Ma grand-mère m’a raconté qu’ils ont été vu à Angers. C’est l’oncle quand il est venu après la guerre, le frère de Madame Caron, c’est Monsieur WEISS je crois, il était dans la Marine je crois. Alors il est venu pour récupérer ce qu’ils avaient laissé. Alors ma grand-mère lui a donné les actions. Elle les a déterrées par miracle, elles n’étaient pas abîmées et les bijoux chez le notaire. Et puis donc, il y avait l’écharpe, le chandelier, elle lui a donné le chandelier, et il a dit « L »écharpe, vous la gardez ».
Alors, lui, il habitait dans le midi, je ne me souviens plus trop.
Sinon, j’ai pas trop grand-chose à vous dire. »
[Note : Henri CARON n’est pas rabbin, ils possèdent quelques attributs de sa judéité comme beaucoup de familles juives. L’écharpe est un châle de prière appelé Talit.
La dénommée Maria s’appelle Maria DENNINGER, au départ gouvernante et qui va devenir secrétaire-interprète auprès des autorités allemandes à la Kommandantur du Pouliguen. Elle habite « Villa Etiennette », allée des Grillons à deux pas de la villa Paulette. Par ailleurs, d’origine allemande, Maria DENNINGER sera arrêtée par la gendarmerie à la Libération et incarcérée quelques jours pour « attitude pro-allemande » avant d’être libérée puis arrêtée une seconde fois à Angers.
Enfin, la personne qui recherche ce qui est arrivé à la famille CARON est le frère de Denise, capitaine au long cours et résidant à l’époque 10 rue Buffon à Marseille]
La famille est transportée à Saint-Nazaire puis Nantes et Angers au Grand Séminaire. Ils sont déportés par le convoi numéro 8 d’Angers à Auschwitz le 20 juillet 1942. Henri avait 57 ans, Alice 52 ans, Yvonne 20 ans, Lucien 17 ans et Denise 15 ans. Ils sont tous décédés à Auschwitz.
Quasiment toutes les personnes présentes dans le convoi numéro 8 parti d’Angers vers Auschwitz sont rentrées dans le camp. Henri décède le 02 septembre 1942 à 13h40 , un mois après son arrivée. Le Docteur Kremer, « médecin » à Auschwitz qui constate le décès conclut à une dégénérescence du muscle cardiaque. Pas de date pour Alice, Yvonne, Lucien et Denise.
Prévenu de la rafle dont toute la famille a fait l’objet, Marc CARON, le père de Henri CARON très inquiet, écrit une lettre au Préfet de Loire-Inférieure.
Courrier de Marc Caron et réponse du Préfet de Loire-Inférieure [ADLA 1694W25]


Les mesures antisémites n’ont pas seulement concerné les biens commerciaux dans le cadre du « désenjuivement de l’économie française » mais également les biens immobiliers. Considérant que les logements pouvaient éventuellement être des immeubles de rapport, le Commissariat Général aux Questions Juives va étendre au cours de l’hiver 1942 les mesures d’aryanisation aux logements privés, maisons ou appartements. C’est ainsi que Maître THUILLIER, avoué, immeuble Les Brisants au Pouliguen va devenir administrateur provisoire de la villa Paulette au 1er décembre 1942. Au cours de son enquête, il s’aperçoit que la villa est propriété de Paul AMIAUD, aryen, en conséquence de quoi, il abandonne la procédure en cours.
De nombreuses feuilles de témoignages existent sur le portail de Yad Vashem dont celui de Pierre WOLFF.
A la fin de la guerre Fernand WEILL, né le 23 mars 1892 à Erstein, capitaine au long cours de Marseille se rend sur place au Pouliguen pour tenter de retrouver sa famille. Il se rend chez les voisins et en gage de remerciement leur laissera le Talit d’Henri CARON. Il se rendra également chez Maître Luneau, notaire au Pouliguen pour récupérer les objets de valeur que la famille voisine avait pris soin de déposer.


Clotilde WOLFF née CARON, soeur d’Henri, résidant à Strasbourg entreprendra des démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre afin d’obtenir les certificats de déportation et de décès de la famille. Les familles CARON ont été déclarées Mort en déportation puis « Mort pour la France ».
Par ailleurs le beau-frère d’Henri, Fernand WEILL, capitaine au long cours, résidant 10, rue Buffon à Marseille fera également des démarches administratives au même ministère.