La famille LEVY est présente au moins depuis 1880 à Saint-Nazaire [date de la conscription d’Eugène] et Eugène LEVY s’y installe pour créer un commerce de confection à partir de 1896/1897, commerce qui sera repris en 1925 par son fils Armand LEVY.
Armand LEVY est né à Saint-Nazaire le 20 février 1888 [Père : LEVY Eugène et Mère : Rosalie BLOCH]. Il épouse Marie-Marthe (prénom usuel Marthe) BERNHEIM le 20 février 1925 à Paris (11ème arrondissement). Armand a alors 36 ans et Marthe 25 ans (née le 26 juillet 1899, Paris, 11ème arrondissement, [Père : BERNHEIM Lucien, miroitier et Mère : Clémence LEVY]). Ils auront une fille, Simone née dans le 16ème arrondissement à Paris le 18 janvier 1926.

Armand a par ailleurs un frère et une soeur : Lucien LEVY né à Saint-Nazaire le 12 mai 1893 et une soeur Henriette née également à Saint-Nazaire le 30 mai 1895.
A l’âge de ses vingt ans, il effectue son service militaire d’une durée de 2 ans : incorporé au 65ème Régiment d’infanterie en 1909 en tant que soldat de 2ème classe, il passe au 51ème Régiment d’Artillerie à Nantes en 1911 puis au 2ème Canonnier. Il termine son service militaire le 24 septembre 1911 en ayant obtenu un certificat de bonne conduite et en étant passé soldat de 1ère classe.
Le 3 Août 1914, il est rappelé pour participer à la 1ère guerre mondiale et se trouve en sursis d’appel à l’usine Martin Bloch à Amiens : les premiers conscrits à être envoyés sur le front sont d’abord les classes 1914 (ceux qui sont nés en 1894) puis au fur et à mesure des besoins en hommes sur le front, on rappelle les classes antérieures, d’où sa position de sursis en 1914. Il rejoint le 82ème Régiment d’Artillerie le 30 juin 1916 puis au 89ème Régiment d’Artillerie Lourde en janvier 1917 où il passe brigadier le 24 février 1917 (son frère Léopold est dans le même régiment de juin 1917 jusqu’en janvier 1918). Il est proposé pour une réforme temporaire en janvier 1918 pour « Bronchite chronique, laryngite suspecte et emphysème (contractée au service). Il séjourna ainsi à l’Hôtel de l’Europe à Pau en 1918 et 1919.
Armand reprend l’activité de son père Eugène en 1925 et créé le magasin « Maison Modèle » . Il est enregistré à ce titre sur le registre de commerce auprès du Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire. Le magasin est situé 13, rue Villès-Martin.
![Registre Tribunal de commerce [22U147]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/03/01levyregcomm22u147.jpg)
![Magasin du Tailleur LEVY situé à l'angle du 13, rue Villès Martin et de la rue des Quatre Vents [AMSN in "Raconte-nous Saint-Nazaire : quelques pas dans nos souvenirs]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2020/03/10levy-amsn1w63.jpg?w=1024)

![Maison Modèle angle Rue des Quatre-Vents/Rue Villès-Martin © collection particulière Patrick Pauvert
La boutique est à droite [Maison... Articles...]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2020/03/05levymaisonmodele.jpg?w=1024)
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La boutique est à droite [Maison… Articles…] [Archives de Saint-Nazaire, 3/Fi8/32]

La boutique est à gauche juste après la Librairie de la Marine











Simone est scolarisée à l’école Marie PAPE-CARPENTIER, école communale pour filles à Saint-Nazaire, et rentre en 1936 au collège de jeunes filles de Saint-Nazaire.
La famille LEVY est très amie avec la famille MÉLOCHE. Pierre MÉLOCHE, le grand-père né en 1866 à Valparaiso (Chili) était médecin sur la place de Saint-Nazaire, notoirement connu pour toutes ses actions en faveur des oeuvres sociales locales et par ailleurs président du Groupe Artistique de Saint-Nazaire (1937). Pierre MÉLOCHE habite avec son fils Ernest né en 1896, marié à Madeleine née en 1910, le couple a deux enfants : Annick né en 1930, Jean-Claude né en 1932 et habite 24, rue Henri-Gauthier. Ernest qui s’est essayé à la profession d’agent d’assurances est visiteur médical. Jean-Claude MÉLOCHE témoigne : « Armand LEVY était tailleur, tailleur militaire. Ils ont fait de la reliure ensemble, mon père l’a initié à la reliure…Ma mère était très amie avec Marthe, ils jouaient au bridge ensemble le samedi soir donc ils avaient des relations assez étroites. »
Entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940, Armand LEVY se déclare à la sous-préfecture de Saint-Nazaire sous le numéro 26. Les parents de son épouse Marthe (Lucien et Clémence BERNHEIM) sont également présents au 13, rue Villès-Martin au moment du recensement de l’automne 1940 et se feront également recenser.
![Extrait Liste dactylographiée recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/03/levyarmandrecensement.jpg)
Le commerce sera aryanisé par Gabriel HERVOUËT, arbitre de commerce à Saint-Nazaire. Lors de la pose de l’affichette obligatoire signalant que l’entreprise est juive et que l’entreprise est gérée par un commissaire-gérant aryen, un certain nombre de commerçants de Saint-Nazaire vont apposer une inscription « Combattant de guerre », sous entendu Anciens Combattants de la guerre de 1914-1918. Armand est ancien combattant de la guerre de 1914-1918 et blessé de guerre, son beau-frère Emile LEVY ancien combattant 1914-1918 avec Croix de Guerre et son frère Léopold ancien combattant de la guerre de 1914-1918 et blessé de guerre. Même si Armand LEVY n’est pas cité explicitement, il est probable qu’Armand LEVY se soit joint au groupe en réaction à une mesure qu’il trouve particulièrement discriminatoire
La famille n’est pas arrêtée à la mi-juillet 1942 mais est arrêtée le 15 août 1942. Nous n’avons que des informations parcellaires concernant les lieux d’arrestations. Très certainement absente lors de la rafle de mi-juillet 1942, les autorités allemandes arrêtent dans un premier temps Armand et Marthe à leur retour, Simone n’étant pas présente. Les Autorités Allemandes les questionnnent et Armand et Marthe les informent que Simone est à La Baule. Jean-Claude MELOCHE ( frère d’Annick sur la photo) témoigne : « Mon père l’a prévenu « Armand, il faut t’en aller, etc… parce que ses beaux-parents qui habitaient au-dessus [Il s’agit des parents d’Armand, Eugène et Rosalie], ils étaient partis, alors lui il s’est barré en zone libre. Mon père disait « Va-t-en ». « Non, non non, j’ai fait la guerre de 14, j’ai été gazé, je suis français 100 % ». Il a été convoqué , je sais pas , deux ou trois fois à la Kommandantur. Il voulait pas, absolument pas partir. Moi, l’arrestation m’a frappé, deux Feldgendarm qui frappent à votre porte, avec des casques et des fusils, la bavette etc…, j’avais 8 ans [en fait 10) ». Mes parents aux premiers bombardements de Saint-Nazaire ont décidé de quitter la ville et louent une villa, la Villa Madélia avenue Saint-Clair à La Baule. C’est la base sous-marine, c’est un objectif militaire, faut s’en aller. Ils [mes parents] ont du l’inviter [Simone] pour le week-end. A 19 heures, on était à table, on frappe, il y avait deux Feldgendarm avec le collier, l’arme à l’épaule, le casque allemand bien sûr : « On vient chercher mademoiselle LEVY ». Ils parlaient parfaitement français. Et puis ils l’ont emmenée à Pornichet dans une cellule de la gendarmerie. Mais les parents étaient déjà arrêtés à Saint-Nazaire dans la prison. Je pense que c’est eux qui ont du le dire que leur fille était à La Baule.



photo de gauche : les deux villas
photo du milieu : Villa Madélia
photo de droite : Villa Reyna (actuellement Villa Flore)
© collection particulière
La famille est immédiatement incarcérée à la prison de Saint-Nazaire pendant trois jours jusqu’au 18 août 1942 avant d’être dirigée sur le camp de La Lande à Monts près de Tours.





Un rapport de la police municipale administrative de Saint-Nazaire de mai 1952 décrit les circonstances de la persécution de la famille.



![Fichier De Brinon [DAVCC Caen, 22 P 3084]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2020/03/03arrestationsaoc3bbt1942shd.jpg?w=1024)
La famille est transférée du camp de La Lande vers Drancy le 05 septembre 1942.














Apprenant l’arrestation de la famille, Lucien BERNHEIM, le père de Marthe LEVY écrit au Préfet de Loire-Inférieure pour tenter de libérer « sinon toute la famille, tout au moins la femme et l’enfant« . Cette lettre restera sans réponse.

Armand LEVY fait partie de la catégorie C1 en tant que cadre du camp puis passe à la catégorie B de ceux qui sont immédiatement déportables. Marthe est affectée à l’infirmerie du camp où elle administre les vivres et les effectifs. Elle se rend à l’Hôpital Rotschild le 24 octobre 1942 et réintègre le camp de Drancy le 19 janvier 1943.
Ernest MELOCHE tentera d’intervenir pour faire libérer la famille sans succès.
La famille est déportée par le convoi numéro 62 du 20 novembre 1943 de Drancy à Auschwitz.


Armand LEVY est décédé à Auschwitz, il avait 55 ans et son épouse Marie Marthe 44 ans.
Après guerre, c’est Henriette LEVY (née LEVY) 20, rue Contrescarpe à Nantes, soeur d’Armand, qui effectue les démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre afin d’obtenir dans un premier temps les certificats de « non-rentré », puis certificats de déportation, certificats de déportés politiques et actes de décès. Des enquêtes sont menées pour connaître et vérifier les dates d’arrestation et de déportation.
Elle transférera l’activité commerciale de la « Maison Modèle » juste après-guerre au 142, avenue de Paris (actuelle avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny) à La Baule dont elle s’occupera en 1945 et 1946 puis le magasin sera loué à Madame GARBER de 1946 à 1949. L’activité commerciale cesse à cette date.
Lors de l’évacuation du camp d’Auschwitz entre le 17 et le 21 janvier 1945, les détenus aux alentours de 59000 sont jetés sur les routes dans ce qu’on appelle « les marches de la mort ». Le 27 janvier 1945, les troupes soviétiques entrent dans Auschwitz y découvrant plus de 6000 prisonniers dont la plupart sont malades ou mourants. L’enquête concernant Simone LEVY en septembre 1945 relate « qu’elle a été libérée par les Russes à Auschwitz, dernières nouvelles il y a 5 mois » [c’est à dire en mars 1945].
En l’absence d’informations, la famille a été déclarée décédée 5 jours après la date de départ du convoi soit le 25 novembre 1943. Simone avait 17 ans.