
![de gauche à droite Jacqueline et Jeanine BESSO [Source inconnue, date inconnue, lieu inconnu]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2022/04/jacquelinejeanninebesso.jpg?w=768)
Linda BESSO née BENTATA est née à Alexandrie (Egypte) le 10 février 1903. Elle était mariée avec Robert (Abraham) BESSO né le 26 mars 1890 à Corfou (Grèce) mais qui est décédé à Vittel le 09 août 1937 d’une crise cardiaque (source famille BENTATA). Le couple a trois enfants : Jacqueline Rina, l’aînée, née le 11 juillet 1924 à Bruxelles, Janine la cadette née le 05 juillet 1927 à Bruxelles et Marc Alfred dit Freddy né le 18 février 1929 à Bruxelles.
![Acte de naissance de Marc BESSO [Etat Civil, Bruxelles]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/08/besso-marc-acte-de-naissance.jpg?w=1024)
Linda BESSO a grandi à Manchester puis est partie vivre à Milan avec son mari» racontent Jacqueline et Jack, deux des neveux. «Veuve en 1937, elle revint en Angleterre. Les propos rassurant de Chamberlain, le Premier ministre Britannique, après son entrevue avec Hitler l’incitèrent à rejoindre Bruxelles où sa fille aînée préparait le bac». Quelques mois plus tard la Belgique tombe. Fuyant devant l’occupant, Linda et ses trois enfants âgés de 18, 15 et 13 ans, se retrouvent à La Baule. En terre inconnue. En juin 1941 ils y louent la villa «Martine», avenue de Lorraine.

Linda BESSO et ses trois enfants sont arrivés en France le 19 août 1939 par le poste-frontière de Quévy (Belgique) avec un passeport grec avec visa pour trois mois valable jusqu’au 27 octobre 1939 délivré par le Consulat de France à Bruxelles. Linda avait été prévenue par son beau-frère Maurice, alors en villégiature à La Baule, de l’imminence de l’entrée en guerre de l’Allemagne avec la France et d’une possible invasion de la Belgique. Le troisième frère de Maurice et Albert, Joseph Michel, son épouse Victoria et leurs deux enfants sont également prévenus par Maurice et rejoignent également La Baule en provenance d’Egypte par Marseille.
A son arrivée, Linda écrit une lettre à sa famille (à son père Moïse ou à son frère Victor) pour le prévenir de leur arrivée à la Baule et pour les rassurer. La lettre a été écrite avec du papier à en-tête de l’Hôtel Bellevue-Plage situé sur le front de mer.
Lettre du 27 août 1939
La Baule-Les-Pins le 27 août
Hôtel Bellevue-Plage
Boulevard de l’Océan
LA BAULE-LES-PINSJ‘espère que vous avez reçu la lettre de Jacqueline hier, voici pour vous dire que nous sommes en sécurité, quoi qu’il arrive. S’il vous plaît, arrêtez de vous inquiéter pour nous car nous allons bien et Maurice et Pepi sont là pour nous surveiller.
Malgré tout, nous espérons toujours échapper à la guerre s’il plaît à Dieu, sinon cela signifiera que c’est la volonté de Dieu de libérer les hommes de l’oppression.
Quoi qu’il arrive, Dieu protège l’Angleterre et la France.
J’ai quitté la Belgique dans une affreuse cohue avec seulement quelques affaires mais j’ai mes [illisible] bijoux et mes meilleures affaires.
Adèle est dans la maison en attendant d’autres instructions. J’espère toujours pouvoir rentrer chez moi bientôt.
Il fait beau ici et les enfants passent leurs deuxièmes vacances. Nous n’avons plus de nouvelles de tante et oncle Joe. Je crains qu’ils ne soient à Marseille dans l’espoir d’avoir un bateau pour rentrer chez eux.
J’espère que Joyce et Baby sont dans une zone sûre et je pense que maman devrait le faire aussi. Que Dieu vous bénisse tous et s’il vous plaît ne vous inquiétez pas pour nous. La France est un pays merveilleux et c’est bien de voir à quel point tout le monde est calme.
En espérant avoir de bonnes nouvelles de vous tous.
Beaucoup d’amour et ne soyez pas anxieux.
Linda
La Baule-Les-Pins 27 th
Hôtel Bellevue-Plage
Boulevard de l’Océan
LA BAULE-LES-PINSI hope you receveid Jacqueline’s letter yesterday, here’s to tell you that we are in safety, whatever happens. Please stop worrying over us as we are well and Maurice and Pepi are here to look after us.
Inapite of all, we still hope to escape war please God, otherwise i twill mean that this is God’s will to liberate men from oppression.
Whatever happen God protect England and France.
I left Belgium in an awful ruch with only a few things but I have my [illisible] jewels and best things.
Adèle is in the house awaiting further instructions. I still hope to be able to go home soon.
The weather is lovely here and the children are having a second holiday. We have no further news from auntie and uncle Joe. I am afraid they are at Marseille hoping to get a boat to go home again.
I hope Joyce and Baby are in a safe zone and I think mama ought to also. God bless you all and please don’t worry about us. France is a wonderful country and it is fine to see how calm eveyone is.
Hoping to have good news from you all.
Heaps of love and don’t be anxious.
Linda





Linda et ses trois enfants logent dans un premier temps à l’Hôtel Les Pléïades avenue de la Lombarde tenue par Mme GREGOIRE au moins jusqu’en février 1940.
A l’Hôtel des Pléïades, Linda BESSO se lie d’amitié avec la famille DESPRETZ, Gérard DESPRETZ l’un des enfants, ayant le même âge que Jacqueline BESSO.

Ils quittent l’Hôtel Les Pléïades pour rejoindre Maurice, son épouse et leurs quatre enfants Villa La Brasardière 1, avenue Massenet puis à partir de 1940 jusqu’en juin 1941 la Villa Les Petites Buttes avenue d’Alsace pour finalement résider Villa Ker Martine Avenue d’Alsace (dite Villa Martine).


Linda, dont le visa expire en octobre 1939 est menacée d’expulsion et fait intervenir Monsieur Charles GREGOIRE, consul général de Grèce à Bruxelles et en villégiature à Nice pour résoudre la situation. Charles GREGOIRE est propriétaire de la Villa Aktina, avenue du Maine et également de l’Hôtel Les Pléïades son épouse en assurant la gestion. L’intervention de Charles GREGOIRE permettra à Linda et ses trois enfants de rester en France.


Jacqueline, l’aînée, va passer son baccalauréat à La Baule qu’elle va obtenir. Elle était inscrite au cours « Le Cid » dans une villa portant le nom d’El Cid située en front de mer. Au moment de l’arrivée des Allemands en presqu’île, la villa est réquisitionnée et le cours « Le Cid » se déplace dans une autre villa à l’angle de l’avenue de la Pierre Percée au numéro 12 et l’angle de l’allée des Platanes. Jean de NEYMAN qui était professeur de physique-chimie a enseigné au cours Le Cid et a donc enseigné auprès de Jacqueline et Freddy.

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article22247, notice DE NEYMAN Jean, Casimir par Guy Haudebourg, Guy Krivopissko, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 29 juillet 2019.
https://resistance-44.fr/?Jean-de-Neyman,227
La Mouette du 20 juillet 1941 et 04 octobre 1941 [ADLA, presse en ligne]



Une troupe de théâtre composée d’élèves du cours va y être créée en mai 1941. « Les Compagnons du Cid » montent pour la première fois sur les planches. Jacqueline y joue le rôle d’Armande dans le 3ème acte des Femmes Savantes de Molière.
![La Mouette 04 mai 1941 [ADLA, presse en ligne]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/08/lamouette04mai1941.jpg?w=770)
Janine BESSO suit sa scolarité au cours « Le Cid » de septembre 1939 jusqu’en juin 1942. Le directeur en est Pierre BERTOQUY.
Entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940, Linda BESSO s’enregistre en tant que Juif auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire (ou mairie de La Baule) sous le numéro 139.
![Extrait liste dactylographiée recensement [ADLA 1694W25]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2020/01/bessolindarecensement.jpg?w=1024)
En juin 1942, les Autorités allemandes (SD) demande des renseignements auprès des autorités françaises au sujet entre autres des familles BESSO.
![Contrôle des étrangers [ADLA 1803W106]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/08/besso01contrc3b4leetrangersadla1803w106.jpg?w=768)
Un certain nombre de lettres ont été écrites par Linda au moment de sa présence à La Baule et sont conservées par la famille :
Lettre du 03 février 1941
La Baule le 3 février 1941
Nous sommes en bonne santé et espère que la famille d’Alexandrie va bien. Merci pour votre carte, meilleurs souhaits et amitiés
L. Besso

Lettre du 26 avril 1941 de Linda BESSO à Moïse et Esther BENTATA
Le 26 avril 1941
Mes très chers parents
J’espère que cette lettre vous trouvera tous sains et saufs et en bonne santé. Je suis très heureuse de vous écrire ces quelques lignes et j’espère que vous la recevrez sans trop de retard.
Je n’ai plus de vos nouvelles depuis janvier, c’est bien long, cependant je prie pour vous et vous serez protégés car nous devons nous revoir un beau jour.
Nous sommes tous en bonne santé et toujours ici, l’hiver est passé et les beaux jours commencent. J’ai grande envie de rejoindre nos amis José et Janine mais ce n’est pas possible. Alberto essaye de nous aider mais sans résultat pour le moment.
Notre bonne étoile nous surveille et pour le moment nous sommes bien alors ne vous tourmentez pas à ce sujet.
Comment va Victor, sa femme et son cher petit ? Je pense tellement à eux et espère qu’ils sont bien.
Comment vont les yeux de maman ? Je ne vois pas le moyen de la soigner dans les conditions actuelles pourvu qu’elle ne souffre pas trop.
Les enfants vont bien Dieu merci, nous sommes contents de les voir. Freddy ressemble de plus en plus à Jacques mon frère. Janine change plus que tous. Albert m’écrit souvent et s’occupe de nous depuis le départ de notre … [Illisible] tant ma vie est toujours monotone, nous avons … [Illisible]… entre les conférences qui nous font tant plaisir. C’est un vrai soutien.
C’est dommage que Raphaël et Jacques ne passent plus par ici, on aimait tellement les entendre chanter.
La vie devient plus difficile, les boucheries n’ouvrent plus régulièrement, le pain est à peine suffisant, si on arrive à manger, c’est grâce au marché noir.
Malgré tout ça, nous sommes tous plus gros qu’avant guerre ainsi nous avons des réserves ; tant qu’on sera ici, on pourra s’arranger. Nous avons tous de gros manteaux pour l’hiver mais il n’y a pas moyen d’acheter des souliers, la vente étant interdite, même pas des pantoufles, il faut faire une demande, on ne donne … [Illisible]… de souliers.
Il y aura des sandales en bois qui [Illisible]… et les pieds.
Bientôt nous ne pourrons plus rouler en vélo, à cause qu’on ne trouve plus de pneus. La seule chose qu’on trouve encore c’est le vin ; nous buvons du champagne de temps en temps pour changer les idées.
Nous avons des poules mais si je ne trouve plus de quoi les nourrir, nous devrons les manger et cela sera dommage car nous avons 5 œufs par jour. Toutes ces petites misères ne sont rien comparées aux souffrances des autres, il ne faut pas se plaindre. Kiki est chez les [Illisible], il en a de la chance.
Enfin Dieu saura nous récompenser plus tard et nous oublierons les jours sombres.Maurice est toujours déprimé. Je vous quitte en vous embrassant très tendrement.
Au revoir aux beaux jours.
Linda


Lettre du 16 juillet 1941
Cont. 16.7.41 [Illisible] 16.7.41
Cher ami, merci pour votre gentille carte du 10 juin, nous sommes tous en bonne santé. J’espère que mes chers Victor femme enfants et parents se portent bien, je pense sans cesse à eux.
Jacqueline se présente au bachôt à Nantes aujourd’hui, j’espère qu’elle passera.
J’ai envie d’avoir de vos nouvelles.
Mes amitiés et bon souvenir chez vous
Linda

Lettre du 17 août 1941
Le 17 août 1941
Cher ami
J’espère que vous trouvez en bonne santé ainsi que tous chez vous.
Ici nous allons bien et nous passons le temps assez agréablement.
J’espère que la famille va toujours bien, j’attends des nouvelles de la naissance de mon nouveau neveu ou nièce. Tâchez de m’avertir aussi vite que possible. Comment vont les oncles et tantes ? Sont-ils à la campagne ? J’espère qu’ils vont tous bien, je pense à eux.
Mes enfants vont bien et profitent de cette vie au grand air, ils grandissent et sont superbes.
Nous mangeons assez bien et avons des poules et des lapins.
En attendant de vos nouvelles.
Recevez toutes mes amitiés et bon souvenir.
Linda
Lettre du 02 octobre 1941
Le 2 octobre 1941
Cher ami
J’étais heureuse de lire votre carte du 16 sept. et des bonnes nouvelles de tous.
Heureusement que l’opération des yeux c’est bien passé Dieu merci.
J’attends toujours des nouvelles de la femme de Victor, j’espère qu’elle aura une bonne délivrance.
Ici nous allons tous bien, Jacqueline a passé son bachôt, elle commence philosophie et maths.c’est assez chargé comme programme mais elle a besoin d’occupation ?
Les autres vont bien, mon fils a sauté une classe pendant les vacances.
Je passe agréablement mon temps ici et masanté est bonne.
Toutes mes amitiés pour vous et les votres.
Linda
Lettre du 25 octobre 1941
Le 25 octobre 1941
Cher ami
J’espère que vous allez tous bien. Ici nous allons très bien, les enfants sont en classe et travaillent bien.
Nous avons un temps idéal, du soleil tous les jours.
Nous passons notre temps agréablement, j’ai de bons amis, on joue au bridge ou on fait des promenades, je suis tellement habituée à vivre au grand air que ma santé s’est améliorée.
Les enfants grandissent et se portent admirablement bien.
Avez-vous d’autres nouvelles de la femme de Victor ?
Recevez toutes mes amitiés.
Sincèrement à vous.
Linda
Lettre du 12 novembre 1941
Le 12 novembre 41
Mes très chers
Quelle joie pour moi de lire vos deux cartesn j’étais si heureuse de vous savoir tous bien et d’apprendre l’arrivée de votre petite Jacqueline. Dieu la bénisse et qu’elle ait bonne chance. Son frère doit être fier d’avoir une aussi jolie petite sœur. Je partage votre joie de tout cœur.
Ici nous allons tous très bien Dieu merci les enfants sont toujours occupés en classe.
Jacqueline prépare son philo qu’elle trouve difficile.
Janine est devenue la plus grande de tous, Freddy est épatant . Tout le monde le trouve très poli et me fait des compliments sur lui.
Quant à moi-même, je suis toujours coocupée avec les courses et la maison, le temps passe vite et je ne m’ennuie pas. Je ne pèse que 55 kgs et je suis fière. La vie au grand air m’a fait du bien.
J’espère que les yeux de votre maman vont bien après l’opération, quelle joie de retrouver la vue.
Les enfants se joignent avec moi pour vous envoyer mille bonnes choses.
Recevez mes affectueuses pensées.
Linda
Lettre du 13 novembre 1941
Le 13 novembre 1941
Mes très chers
Hier je vous ai écrit, j’étais bien triste d’apprendre la mort de Pépi, j’ai communiqué la nouvelle à Maurice, lequel ne veut pas que sa femme le sache et vous prie de ne pas en parler.
Il désire lui éviter le chagrin et le choc à cause de son état de santé qui n’est pas bien en ce moment.
Cependant passez mes condoléances à la pauvre veuve et enfants envers qui vont mes pensées.
Enfin c’est le destin.
J’espère que les yeux d’Estelle vont bien maintenant après son opération, je pense à vous tous avec tendresse.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 19 novembre 1941
Le 19 novembre 1941
Mes très chers
Quelques mots pour vous dire que nous allons tous très bien.
J’espère qu’il en est de même chez vous et que la petite Jacqueline fait de bons progrès, combien pèse-t-elle maintenant ?
J’ai si envie de la voir ainsi que vous tous.
Ici l’arrière saison a été magnifique, quelle économie de bois heureusement.
Les enfants vont toujours à l’école et travaillent bien.
Janine devient une jolie fille, si grande de taille, le petit aussi est bien, Jacqueline est toujours la même.
Je ne m’ennuie pas du tout et j’ai bon moral.
Toutes les affectueuses pensées.
Linda
Lettre du 19 novembre 1941
Lettre du 25 novembre 1941
Le 25 Nov.1941
Cher ami
J’étais bien contente de lire votre carte du 7/11/
J’ai également reçu vos deux cartes précédentes qui m’ont fait tant plaisir.
Nous allons tous bien Dieu merci.
Le temps n’est pas encore froid, ce qui est une chance.
J’espère que votre famille se porte bien .
Je vous prie de transmettre mes amitiés autour de vous.
Bien sincèrement à vous.
Linda
Lettre du 08 décembre 1941
Carte n°4 Le 8 décembre 1941
Mes très chers
J’espère que vous vous trouvez en parfaite santé et que Bébé fait de bons progrès.
Ici nous allons très bien et l’hiver commence à peine ce qui est vraiment heureux.
Il y a des jours que je ne chauffe pas et j’allume seulement à 6 hrs [heures] pour la rentrée des enfants de l’école.
Le temps passe vite car je suis toujours occupée avec les courses le matin et l’après-midi chez mes gentils amis.
Comment vont Lucette et Jacques ? Quand vous écrivez, dites-leur bien des choses de ma part.
Les enfants se portent à merveille Dieu merci.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 15 décembre 1941
Le 15 décembre 1941
Cher ami
J’espère que vous vous touvez en bonne santé ainsi que tous chez vous.
Ici nous allons très bien, surtout qu’il ne fait pas le grand froid de l’année passée.
A l’occasion du nouvel an qui s’approche, je vous fais à tous mes meilleurs vœux.
Je suis toujours contente d’avoir de vos nouvelles qui me font tant plaisir.
Mes amitiés autour de vous.
Bien sincèrement à vous
Linda
Lettre du 16 décembre 1941
Carte n°5 Le 16 décembre 1941
Mes très chers
Quelques lignes pour vous dire que nous allons tous bien et pensons à vous.
J’espère que vous êtes tous en parfaite santé et que bébé va bien.
L’hiver ici est doux cette année ce qui est merveilleux ainsi notre stock de bois suffira.
Nous mangeons bien donc n’ayez pas d’inquiétude.
Voici bientôt la fin de l’année et à cette occasion je vous fais tous mes meilleurs souhaits pour 1942.
Très affectueusement à vous
Linda
Lettre du 20 janvier 1942 à Monsieur A. H. HASSAN, Tanger
Le 20 janvier 1942
Cher ami
J’étais bien contente de lire votre carte du 31 passé et de vous savoir en bonne santé.
Ici nous allons tous bien, il a fait très froid mais heureusement j’ai assez de bois.
J’ai aussi reçu une carte de Victor qui m’a fait grand plaisir.
Au plaisir de vous lire, mes amitiés chez vous.
Bien sincèrement à vous.
Linda


Lettre du 22 janvier 1942 à Victor BENTATA
Le 22 janvier 1942
Mon cher Victor
J’étais si heureuse de lire votre carte, surtout de vous savoir en parfaite santé. Je vous remercie pour vos vœux du nouvel an et vous souhaite autant.
Nous allons tous bien Dieu merci, il fait assez froid, mais heureusement j’ai du bois.
Les enfants sont plus grands que moi maintenant et se portent admirablement bien.
J’espère que bébé Jacqueline va bien et fait votre joie, elle doit être bien jolie d’après ce que vous m’écrivez.
J’espère que ta femme se porte bien et que ses yeux vont bien.
Je vais bien et mon moral est bon, le temps passe vite et je n’ai pas le temps de m’ennuyer.
Bien affectueusement à vous tous.
Linda
Lettre du 26 février 1942
Le 26 février 1942
Mes très chers
J’étais si heureuse de lire la carte de Victor et de vous savoir tous bien.
C’est une grande joie pour moi d’avoir de vos bonnes nouvelles.
Ici nous allons tous bien mais il fait si froid, je n’ai plus de bois.
Maurice n’a pas voulu me prêter un peu en attendant le mien qui doit arriver la semaine prochaine.
Je ne le lui pardonnerai jamais et je lui ai dit les quatre vérités, quel égoïste !
Mes amis ont tous voulu me prêter un peu de bois mais je trouvais honteux de profiter d’eux, quand M.[Maurice] en a et chauffe à bloc chez lui.
On juge les personnes dans les moments de besoin et bien je ne manquerai pas de le dire à Sabino et Joseph.
Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis capable de me défendre et de me diriger seule dans lavie, je suis devenue calme et forte.
Les enfants vont bien et sont heureux parce qu’il neige.
Je passe mes après-midis chez mes amis qui m’aiment et m’estiment, ainsi je n’ai pas froid.
Affectueusement
Linda
Lettre du 07 mars 1942
Le 7 mars 1942
Mes très chers
J’étais si contente de lire votre carte qui me fait toujours tant plaisir.
Je suis heureuse des bonnes nouvelles de vous tous et j’espère que cela continuera ainsi.
Ici nous allons Dieu merci tous bien, il fait moins froid et j’ai pu finalement avoir un peu de bois.
J’ai fêté Janine en l’emmenant au cinéma et à gouter avec mon amie, on ne peut pas faire grand chose en ce moment.
Maurice et Fortunée vont bien, je ne les vois que quelques minutes par jour, je préfère mes amis car j’ai besoin de me distraire et ils sont gentils.
Je suis inquiète pour Lucette et j’espère que tout ira bien chez elle.
Je n’ai pu rien à vous dire sauf que je pense à vous et espère toujours avoir de vos bonnes nouvelles.
Les enfants se joignent à moi pour vous envoyer d’affectueuses pensées.
Linda
Lettre du 11 mars 1942
Le 11 mars 1942
J’étais si heureuse de lire vos deux cartes et je m’empresse pour vous répondre et vous dire que nous sommes tous en parfaite santé.
J’apprends avec joie que votre fille Jacq.[Jacqueline] devient une merveille, à qui ressemble-t-elle ?
David aussi doit être un grand garçon ?
Mon fils a eu un bon bulletin et fait des progrès, il est 3ème en classement général, 1er en français, sciences et anglais, il a en plus le latin et le grec.
J’ai de ses bonnes nouvelles de Nantes où il s’amuse beaucoup avec ses amis.
Lundi il rentrera pour aller en pension.
Nous avons un temps radieux, j’ai rendez-vous avec mon amie pour prendre le thé à la terrasse en plein soleil.
La famille Maurice va bien, ils ne peuvent pas partir, je les vois très peu car ils ne sont guère amusants !
Je cherche uniquement des gens intéressants pour me distraire
Linda
Lettre du 14 mars 1942
Le 14 mars 1942
Mes très chers
Quelques lignes pour vous donner de nos nouvelles.
Heureusement que la santé est bonne et que le printemps commence.
J’ai pu avoir du bois ainsi on a eu froid que pendant quelques jours seulement.
A la fin du mois, Freddy sera en vacances de Pâques.
Je regrette qu’il mangera moins bien qu’en pension.
Mes poules ne pondent pas à cause je n’ai pas de grains, elles mangent des épluchures de légumes cuites, je pense manger les poules du moment qu’elles ne donnent pas d’oeufs.
J’espère que vous allez tous bien et que les petits grandissent bien.
J’espère que tout ira pour le mieux chez Lucette.
Comment vont les oncles et tantes ?
Je pense à tous sans exception.
Janine est devenue si grande et ne rentre plus dans ses vêtements, c’est si difficile de l’habiller.
Je vous quitte avec mes affectueuses pensées.
Linda
Lettre du 23 mars 1942
Le 23 mars 1942
Bonne fête Lucette
Mes très chers
Je suis privée de vos nouvelles depuis quelques temps.
J’espère cependant que vous vous trouvez tous en parfaite santé.
Ici cela va très bien Dieu merci.
Freddy est en vacances à la fin de la semaine.
Il est un amour d’enfant, la vie de pension lui a fait tant de bien.
Il a bonne mine, il dort bien, se repose après les repas, travaille mieux et se trouve toujours en tête de la classe.
Il restera 15 jours à la maison sauf 4 jours qu’il passera chez son ami à Nantes.
Jacqueline va bien mais a beaucoup de mal à suivre en philo, elle est très fatiguée à force de travailler toutes les nuits car elle a des examens préparatoires.
Janine est comme une fleur et dort bien, et malgré les restrictions grossit [illisible] !
Ma santé n’a jamais été aussi bonne surtout je dors bien.
J’espère que chez vous tous vont bien et que les chers petis font votre joie.
Très affectueusement à vous.
Linda
Lettre du 25 mars 1942 à Victor BENTATA
Le 25 mars 1942
Cher Victor
J’étais si contente de lire ta carte surtout de vous savoir tous bien.
Votre petite Jacqueline doit être très jolie, je vous félicite de tout cœur.
Ici cela va bien Dieu merci, le beau temps est déjà là ce qui vous rend le cour léger.
Ce soleil doux est bienfaisant, j’adore contempler la mer bleue par les beaux jours.
Mon moral est excellent, hier j’étais invitée à déjeuner avec une amie sur une terrasse en plein soleil, c’était merveilleux, ensuite on a fait une belle promenade.
Je sors chaque après-midi ainsi le temps passe vite.
Les enfants auront les vacances de Pâques à partir du 28.
J’espère que tout va bien chez Lucette, j’y pense beaucoup.
J’espère que tes parents vont toujours bien, dis leur que je pense beaucoup à eux ainsi qu’à ta femme.
Je te quitte en attendant le plaisir de te lire.
Aff. [Affectueusement]
Linda
Lettre du 08 avril 1942
Le 8 avril 1942
Mes très chers
Il y a quelques temps que je suis privée de vos nouvelles, j’espère cependant que vous allez tous bien.
J’espère que vous avez passé des bonnes Pâques.
Ici Dieu merci cela va bien, le beau temps est arrivé, et l’hiver s’est passé sans grippes, l’air de la mer nous a rendu tous plus solides.
Freddy est à Nantes chez son ami et sera de retrour lundi pour la rentrée des classes.
Il était tout fier de prendre le train seul comme un grand.
Il faut que les enfants apprennent à se débrouiller seuls et que je m’habitue à avoir confiance.
J’espère avoir bientôt de vos bonnes nouvelles.
Portez-vous bien.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 23 avril 1942
Le 23 avril 1942
Mes très chers
J’espère que vous vous trouvez tous en parfaite santé.
Ici nous allons bien, les enfants sont en classe après les vacances.
Nous avons un temps superbe, ce beau soleil fait revivre après les longs mois d’hiver .
Je mène toujours ma petite vie tranquille que j’aime d’ailleurs.
J’espère que vous avez des bonnes nouvelles de Jacques et Lucette.
Comment va l’oncle Joseph ? Est-il toujours souffrant ?
Vos nouvelles me font toujours plaisir, il y a déjà un petit moment que j’en suis privée.
Portez-vous bien, baisers aux chers petits et très affectueusement à vous.
Linda
Lettre du 10 mai 1942 à Victor et Jacques BENTATA
Le 10 mai 1942
Chers Victor et Jacques
J’espère que vous allez bien, dans quelques jours ce sera vos anniversaires et à cette occasion je vous envoie tous mes meilleurs souhaits.
J’espère que vos enfants vont bien ainsi que Joyce et Lucette que vous embrasserez pour moi.
De mon côté cela va bien Dieu merci ; les enfants grandissent et sont de vrais enfants modernes.
Tant mieux, ainsi ils sauront toujours se débrouiller dans la vie.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 16 mai 1942 à Victor BENTATA
Le 16 mai 1942
Cher Victor
J’étais si heureuse d’avoir tes nouvelles et fière de savoir que votre petite Jacqueline a tant de succès et que vous êtes tous en bonne santé.
Je te prie de rembourser notre bon ami pour l’envoi du colis que j’espère recevoir bientôt.
Jacqueline a été rendre visite au Dr Alberto pour les 4 jours de fêtes, elle avait besoin de changer [d’air] car elle travaille beaucoup.
Janine et Freddy vont bien et grandissent mais l’inconvénient c’est les chaussures.
Enfin portez-vous bien et toutes mes affectueuses pensées.
Linda
Lettre du 21 mai 1942
Le 21 mai 1942
Mes très chers
Nous sommes toujours en bonne santé, j’espère qu’il en est de même chez vous.
Je suis contente car j’ai rentré une bonne quantité de bois pour l’hiver et pour faire ma cuisine car je ne peux pas dépasser 20 mètres de gaz par mois. [20 mètres cube].
Mes poules pondent et je mets mes œufs en conserve pour l’hiver.
Jacqueline doit passer son bachot [baccalauréat] fin juin, je ne sais si elle réussira, autrement je ne demande pas mieux qu’elle ait encore un an de classe à refaire pour l’occuper.
Comment va l’oncle Joseph ? Vous oubliez de me répondre à ce sujet.
Je suis heureuse d’apprendre que toute la famille va bien.
J’espère que l’opération de Lucette n’était rien de grave et qu’elle est tout à fait remise.
En ce moment je tricote beaucoup, je fais des merveilles avec des restants de laine et je défait des vieux pour refaire.
Je suis très fière de réussir si bien car les enfants usent et abiment vite.
Portez-vous bien
Linda
Lettre du 15 juin 1942
Le 15 juin 1942
Cher ami
J’espère que vous vous trouvez en bonne santé ainsi que tous chez vous.
Ici cela va assez bien.
J’ai reçu le colis mais ouvert et vide, ce n’est pas la peine d’essayer un second envoi, je vous remercie quand même.
Les enfants se préparent pour les examens et sont très occupés.
Le temps s’est gâté il fait froid et pleut souvent.
Au plaisir d’avoir de vos bonnes nouvelles.
Bien sincèrement à vous.
Linda
Lettre du 18 juin 1942
18 juin 1942
Mes très chers
Quelques lignes pour vous dire que nous allons tous bien Dieu merci.
Si ce n’est l’inquiétude que je ressens pour Lucette, je pourrais être heureuse.
J’espère que chez vous tout le monde va bien.
Comment vont Marcelle et Ernest ? Et leurs parents ?
Je ne connais pas Mme Andrée du tout.
Je vais au cinéma avec Freddy à 2.30 voir et entendre Charles Trenet que les enfants aiment tant.
Je vous quitte en attendant vos bonnes nouvelles.
Aff.[Affectueusement]
Lettre du 23 juin 1942
Le 23 juin 1942
Mes très chers
Quelques lignes pour vous dire que nous allons tous bien. J’espère que chez vous tout le monde va bien. Je suis très inquiète pour la santé de Lucette et je souhaite une amélioration rapide de son état.
Jacqueline a fait son écrit de philo lee 20 nous attendons les résultats dans 10 jours, après elle aura son oral à Nantes.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 27 juin 1942
Mes très chers Le 27 juin 1942
J’espère que vous vous trouvez tous en parfaite santé.
Je suis terriblement inquiète pour Lucette, j’espère que tout s’arrangera pour elle.
Autrement ici tout va bien, nous profitons de la plage car il fait délicieux.
Gadol toujours convenable pour le moment. [Gadol est un terme hébraïque signifiant ainé, grand, haut, fort ; il peut s’agir de Maurice]
Les enfants vont bien, le petit rentre de pension demain .
J’ai regretté que l’oncle Joseph est devenu infirme, c’était à craindre, c’est bien triste pour la tante.
Plus rien pour le moment.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 09 juillet 1942
Mes très chers Le 9 juillet 1942
J’espère que vous vous trouvez tous en bonne santé.
Ici cela va bien Dieu merci, le temps est magnifique, les enfants sont en vacances. J’espère que vous avez des meilleures nouvelles de Lucette et qu’on arrivera à la sauver, c’est si triste.
Je mène toujours la même petite vie calme et saine. Je vois mes bons amis chaque jour, les courses le matin, le soir je suis couchée tôt avec un livre, ainsi le temps passe.
Ma santé reste bonne, les enfants sont grands et bien portants.
Très affectueusement
Linda
Lettre du 11 juillet 1942
Mes chers Le 11 juillet 1942
J’ai reçu votre carte et j’étais heureuse de vous savoir tous en bonne santé.
J’ai des bonnes nouvelles de Suzanne et sa famille, ils vont tous bien car Dr Gachet (?) avait ordonné un changement d’air, enfin ils sont contents maintenant. Nous allons tous bien, Jacqueline reçoit ses amis ce soir à l’occasion de son anniversaire. Je n’offre que du vin mousseux et une tarte, je ne peux faire un grand goûter.
Les poules pondent 5 œufs par jour que je mets en conserve pour l’hiver. Mes amis sont toujours gentils, affectueux, je les vois chaque jour, ils m’aiment beaucoup.
Freddy va à la pêche souvent et parfois apporte pour un repas.
J’espère que tout s’arrangera chez Lucette.
Très affectueusement
Ces différents courriers sont tous envoyés à de la famille ou à des amis proches. Avant toute chose, Linda s’inquiète régulièrement pour eux. Elle y parle volontiers de ses enfants et leur raconte leurs quotidiens : les études de Jacqueline qui passe son baccalauréat, Freddy qui profite de ses moments de liberté pour aller à la pêche, Janine qui grandit trop vite… Elle y relate aussi les vicissitudes de la vie quotidienne, en particulier les difficultés pour se nourrir ou se vêtir.
Un conflit va opposer Linda avec son beau-frère Maurice : alors qu’elle a déménagé Villa Martine, Linda se trouve à cours de bois de chauffage et lui demande de la dépanner, le temps que la livraison arrive. Celui-ci refuse.
Enfin, les enfants suivent leurs scolarités avec assiduité et profitent du cadre de bord de mer pour vivre leurs vies d’adolescents. Le meilleur ami de Freddy s’appelle Paul Clayssens et Jacqueline a un amoureux : Michel.
Linda BESSO et ses trois enfants sont arrêtés le 16 juillet 1942 à leur domicile puis transférés vers Saint-Nazaire à la Villa Ker Faouët logeant dans un des trois hangars présents dans la propriété, Nantes puis Angers au Grand Séminaire.
Le lendemain de l’arrestation, la villa est visitée et « les armoires et buffets sont presque vides » (comme la villa La Pinada à La Baule où logeait la famille FISCHER, la villa Ma Miniou à Saint-Marie-sur-Mer où logeaient les familles CERF/SEIDENGART…).
Peu avant l’arrestation, Linda BESSO confie la totalité de ses bijoux à une habitante de La Baule. [Jacqueline et Jack BENTATA, la nièce et neveu de Linda se rendent en France en juin 2010 afin d’identifier cette femme. « Juste après la guerre, une française catholique contacta notre père [Victor Robert BENTATA]. Pressentant sans doute son arrestation, notre tante lui avait remis la totalité de ses bijoux. Cette femme fit le voyage jusqu’à Londres pour les rendre à mon père . Répartis dans notre famille, ils sont les seuls souvenirs qu’il nous reste de notre tante et de ses enfants. « .Jean-Philippe LUCAS (Presse-Océan, 14 juin 2010) poursuit l’entretien : « Leur intention : essayer d’identifier cette française qui aurait pu trouver tellement plus aisé de garder les bijoux pour elle. Nous n’avons aucun nom qui nous permettrait d’identifier cette femme merveilleuse qui eut un tel sens de l’honneur… Pour notre famille, ce serait apporter la dernière pièce à cette histoire tragique« . Cette personne pleine de bienveillance s’appelle Madame DESPRETZ. Décédée en 2010, son fils Robert témoigne le 18 octobre 2010 :

Les quatre membres de la famille sont inscrits sur la liste du convoi numéro 8 mais néanmoins ne montent pas dans le train et sont rayés de la liste du convoi.
Liste convoi numéro 8 Angers-Auschwitz [CDJC, Mémorial de la Shoah]


Nous n’avons aucune information sur la raison pour laquelle la famille échappe à ce moment-là à la déportation dans ce convoi. Explications : les enfants de moins de 16 ans sont en théorie à ce moment-là non déportables. Ils sont rayés de la liste du convoi. Sont donc concernés Jeanine et Marc. Les enfants sont normalement accompagnés d’un adulte (père ou mère ou grand-père ou grand-mère). Linda est donc dans cette logique rayée de la liste du convoi pour accompagner ses enfants. Jacqueline en revanche n’est pas concernée puisqu’âgée de 18 ans et aurait du faire partie du convoi numéro 8 du 20 juillet 1942. Il semble donc bien par ailleurs que quelqu’un soit intervenu pour ne pas faire transférer la famille à ce moent-là au camp de La Lande et que Jacqueline ne fasse pas partie du convoi d’Angers vers Auschwitz.
La famille est assignée à résidence à l’Hôtel de France, place de la Gare à Angers à compter du 27 juillet 1942. Au moment de la réception de la nouvelle carte d’identité de Jacqueline (l’ancienne ayant été perdue par les autorités d’occupation au moment de son internement au Grand Séminaire) il est demandé à ce que la mention Juif n’y soit pas apposée.
La famille est arrêtée le 10 août 1942 puis transférée au camp de la Lande à Monts près de Tours où « elle est logée sur de la paille dans la partie gauche du bâtiment numéro 10 servant pour l’épluchage des légumes, seul local encore disponible dans le camp« .
![Plan Camp de La Lande [Archives Nationales, F7/15059]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/08/01anf-7-15059lalande.jpg?w=1024)
Fiches d’internement du Camp de La Lande [Archives Départementales d’Indre-et-Loire 120W17]



Au camp de La Lande, Marc dit Freddy BESSO écrit une lettre à son meilleur ami, Paul [CLAYESSENS] à La Baule par l’intermédiaire de Madame NEVEUX habitant Villa La Petite Dune, avenue de la mer :
La Lande, le 20 septembre 1942
Cher Paul
Tu ne peux savoir à quel point ta lettre m’a fait plaisir. Tu ne peux savoir ce que c’est que de savoir que quelqu’un pense à vous. Ici, je m’ennuie terriblement et c’est pourquoi je te demanderai de m’envoyer si tu as un jeu de cartes à toi, je te serai très reconnaissant. Que fais-tu de beau . Vas-tu à la pêche avec Georges ? René est-il de retour ? En tous cas, n’oublie pas de dire à Georges qu’il m’écrive car cela est un réconfort.
J’espère que ta maman et tes frères vont bien. Meilleurs amitiés et mes respectueux hommages à ta mère
Freddy

Par ailleurs un certain nombre de courriers ont été retrouvés.
Le 27/9/42
Chère amie,
Très content d’avoir aujourd’hui de vos nouvelles.
Ecrivez-moi très souvent ainsi que votre mère.
J’ai de bonnes nouvelles de la famille, ils vont tous très bien.
Bien sincèrement à vous.
A.H. HASSAN


Lettre du ? de Claudie à Jacqueline BESS0 au camp de la Lande
Mercredi
Ma petite Jacqueline chérie
C’est à Saint-Nazaire que je t’écris cette fois en car : figure toi que j’ai abandonné [illisible] pour le collège de jeunes filles d’ici afin d’avoir un certificat de fin d’études secondaires si par hasard j’étais recalée au bac.
Je suis donc en 1ère dans une classe ::: Les filles sont toutes plus pleutres les unes que les autres (quand je me rappelle la 1ère du Cid il y a deux ans, quelle différence !). Que je te parle un peu maintenant de mes vacances. Rien de formidable. Nous avons d’abord eu la visite de Nicole, elle était où j’allais donc chez les [illisible]. Sa première entrevue avec Michel a été vraiment tordante. Celui-ci ne lui a pas desserré les dents et comme il le fait très souvent pour tout sujet de conversation. Il a pris un bouquin puis au bout de quelque temps les rapports ont été plus chauds mais malgré tout assez tièdes. D’ailleurs elle se barbait tellement qu’à la fin, elle a fini par aller chez les Jonas. Bibiche n’est pas venue. Jacques est venu dernièrement voir sa dulcinée entre l’écrit et l’oral. Il est plein d’espoir. Espérons que cette fois-ci c’est pour de bon. Paulet est recalé le pauvre vieux !!! Michel [illisible] part en zone libre rejoindre sa sœur qui n’est pas encore rentrée et ne rentrera sans doute jamais. P[illisible] part le 15 pour Paris. Cet hiver nous serons presque seuls à La Baule. Paulet, Jeannette et Yvette, c’est peu. Enfin j’espère faire de petits voyages de temps en temps. Pour mon concours de moniteur auxiliaire, je n’ai pas encore les résultats. Quand à Satyre, il est en pension depuis la 1ère cet [Illisible]. Figure-toi que sa mère a enfin découvert que son fils n’était pas un petit saint. La réaction a été plutôt dure. Il est toujours amoureux de Madame Bernard mais n’a toujours rien fait avec elle. Alyette n’est pas revenue de zone libre, elle doit s’y plaire. Yo est certainement oublié. Tu me demandes de transmettre à Michel. Il vient de temps en temps chez Jannette ou alors reste chez lui ou très souvent quand il fait beau, passe ses journées sur la grande côte à la pêche. Hier encore, il a pêché 65 dorades. Colette est toujours en Allemagne. Quand à Geneviève, elle est de nouveau à La Baule mais son fiancé est parti. Enfin ma petite [illisible], j’espère que toute ta famille se porte bien, que ton moral est bon. A bientôt ma petite Jacqueline chérie, je t’embrasse très affectueusement. Mes meilleures amitiés à ta mère, ton frère et ta sœur.
Claudie




Lettre du 02 octobre 1942 de ? à Jacqueline BESSO au camp de La Lande
Vendredi 2 octobre 1942
Ma petite Jacqueline chérie,
Le voyage, les journées d’examen et un petit accès de fièvre (sans aucune gravité) m’ont empêchée de t’écrire mais je t’aime toujours aussi fort et tout mon cœur va sans cesse vers toi. Le plus beau jour de ma vie, jour proche j’espère, sera celui où je t’embrasserai à nouveau pour de bon. J’ai été un peu bête l’autre jour, c’est effrayant quand je songe que j’aurais pu te faire du mal ! Je ne verrai naturellement ni Mme CLAYSSENS ni Mme NEVEU avant une huitaine, pourvu qu’elles n’aillent pas s’adresser à Michel. Je viens de recevoir une lettre de Gillet qui me parle de toi. Il a rencontré Cri-Cri. Jacques Larue est à La Baule et à « bon espoir » pour son bac. Quant à ta petite Ray, heureusement que tu l’aimes de toute façon parce que je ne suis pas optimiste pour attendre mes résultats. J’ai divagué en latin et en anglais (en thème surtout) et fait juste la question de cours en Maths. Poulet était ici jusqu’à hier. Il est sympa. J’adore tous les gens auxquels je peux parler de ma petite Jacqueline. A propos de Michel, à ta place je n’aimerais pas du tout que tout le monde s’en mêle. Janette et la bande devait savoir avant moi parce que j’ai été la dernière à croire et soutenir que M. [Michel] t’aimait bien malgré certaines apparences. Je disais qu’il était sauvage, renfermé. Enfin, je vais arranger çà au mieux et tâcher de leur faire admettre que M. [Michel] ne t’a pas tellement laissé choir. Dès mon retour à La B. [la Baule], je vais le voir lui-même et te donner mon opinion précise. Même, je vais lui écrire demain pour que ça aille plus vite, par lettre, j’oserai davantage. Ne crains rien, je prends tes intérêts trop à cœur pour commettre la moindre faute de tact et je sais combien M. [Michel] est sensible, vite vexé.
Pour Yvette comme Jacques, ils sont charmants mais ils « Illisible » trop, eux seuls « aiment », ça m’exaspère.
Dans quelques heures, Bob sera ici, nous t’écrirons tous les deux. Je t’embrasse très fort
Ta [illisible]
Signature = Illisible
Yves Jobbé est au Maroc donc écris « 1, rue Jean-Jaurès » directement.
Mes respects à ta maman
Je prie la Sainte Vierge pour toi, elle a ma grande dévotion et accorde tout aux petites filles confiantes.




Lettre du 04 octobre 1942 de ? CHAUMIER à Janine et Jacqueline BESSO au camp de La Lande
Le Blanc le 4.10.42
Chères amies
Je fais réponse à votre carte que j’ai reçu et qui m’a fait un plaisir immense de recevoir de vos nouvelles. Je commençais déjà à perdre espoir mais quand j’ai reçu votre carte, j’ai eu un grand plaisir. Je pense que vous êtes tous en bonne santé. Vous souhaiterez bien le bonjour à Mme BESSO et à Freddy qui j’espère vont très bien. Quand à vous, j’espère que vous allez très bien. J’ai été très content du petit mot de Jeanine. Je la remercie infiniment et j’espère qu’on se reverra bientôt. J’ai été très touché du mot que vous m’avez adressé en me faisant voir toute l’amitié que vous avez envers moi. J’espère que les beaux jours passés reviendront. Et nous aurons encore l’occasion de les passés ensemble. Pour moi en ce moment tout va bien. Et maintenant que j’ai eu de vos nouvelles les jours me semble moins gris. Et quand nous nous retrouverons, ces jours-là seront pour moi une grande joie. Je pense qu’on pourra toujours s’écrire et le temps sera moins long maintenant. Je vais vous quitter en vous embrassant toutes les deux et en [illisible] mes grandes amitiés à votre mère.
[Signature illisible]


Lettre du ? de Rav à Jacqueline BESSO au camp de La Lande
Mercredi midi
Vite un petit mot pendant une courte absence de ma tante, elle ne me lâche pas et ce n’est pas spécialement commode pour t’écrire.
Je suis collée à 3 points ½ près, ça me décourage. Ma chérie, j’ai hâte d’avoir de tes nouvelles et qu’elles soient bonnes. Je suis sûre qu’elles seront bonnes, je t’aime trop pour que tu continues à être malheureuse. J’espère que nous allons tous nous retrouver à Paris en Novembre.
Renée y sera aussi et pas mal de mes bons camarades d’ici.
Les deux jours, samedi et dimanche, avec Bernard ont filé à une rapidité vertigineuse. [illisible] Bernard est vraiment fantastique. Puisque tu aimes encore, il n’y a qu’à attendre que cela te passe et cet hiver à paris le voir jusqu’à ce que tu en aies assez. J’espère que tu y arriveras et que tu rencontreras quelqu’un d’aussi charmant que mon Babo, quelqu’un comme tu le mérites.
Remarque que je ne juge pas M. [Michel] je ne le connais pas suffisamment et n’ai pas encore sa réponse, après tout il est peut-être très bien et [illisible] qu’il réparera le mal qu’il te fait peut-être inconsciemment, en attendant moi je lui lui en veux terriblement.
A bientôt mon petit trésor je t’embrasse très fort, je le désire tellement, tellement.
Ta petite Rav
Retourne à la B. [La Baule] : Samedi


La famille quitte le Camp de La Lande le 13 octobre 1942 pour être enregistrée à Drancy le 17 octobre 1942.




Fiches d’internement du camp de Drancy [Archives Nationales, F9/5680]
















Puis la famille est déportée par le convoi numéro 45 en même temps que les 5 autres membres de la famille de Maurice BESSO le 11 novembre 1942 de Drancy vers Auschwitz.
Linda 39 ans, Janine 15 ans et Freddy 13 ans ont été exterminés à Auschwitz-Birkenau. En l’absence d’informations, ils ont été déclarés décédés 5 jours après l’arrivée du convoi.
Pou, Jacqueline, un document du Mémorial d’Auschwitz dans le Sterbebuch atteste de son décès le 03 décembre 1942 soit quinze jours après son arrivée au camp d’Auschwitz où elle était donc rentrée dans la partie concentrationnaire du camp. Elle avait 18 ans.
Le frère de Linda, Robert Victor BENTATA [https://farhi.org/wc172/wc172_066.html] qui réside à Manchester, cherche à savoir ce que sont devenus sa soeur et neveu et nièces à la fin de la guerre. Une information lui sera transmise via les fiches de Drancy (verso).


Le mardi 29 mars 2022, à l’initiative de Sarah Francis, une pose de pierres de mémoire (ou pierres d’achoppement ou Stopersteine) a eu lieu en présence de la famille BENTATA.

