SCHABLIN Paul, Klara, , [Peter, Gerda], [Ernst, Frieda] [150]

Paul SCHABLIN [Père : Ludwig SCHABLIN et Mère : Anna HECHT] est né le 11 février 1884 à Prague (Slovaquie) et est marié avec Klara VOGL née à Schlakenburg (Slovaquie) le 24 décembre 1884.

Acte de mariage de Paul SCHABLIN et Klara VOGL [Archives Nationales Tchèques, Jewish Registry 1784-1949, Vinohrady, Prague]

Le mariage des deux époux a été enregistré sur les registres de la communauté juive de Prague, Vinohrady étant un quartier de la ville. C’est le rabbin Gustav WEINER qui a procédé à la cérémonie, les deux témoins du mariage étant Hermann HIRSCH et Camill SCHABLIN.

Temple (Synagogue) du quartier de Vinohrady, Prague [Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, Paris]

Les deux époux sont de nationalité autrichienne ainsi que leurs deux fils, la Tchécoslovaquie n’étant créée qu’en 1918. Le couple a deux enfants : Ernest Ernst Percy SCHABLIN né le 13 janvier 1912 à Prague marié à Frida (dite Fritzi ou Frizzi) LÖWIT née le 23 octobre 1900 à Augsburg (Allemagne) et Peter Hans dit Pierre SCHABLIN né le 18 février 1913 à Prague marié depuis le 05 avril 1936 à Vienne avec Gerda BARDACH née le 30 mai 1912 à Vienne [Père : Hermann BARDACH et Mère : Mélanie LÖWY] . Tout le monde réside à Vienne.

On apprend via les actes de naissance que les deux témoins pour Ernst sont Eman GRAFS et Ernst POLLAK et que c’est Josephine HERTL qui a procédé à l’accouchement et que pour Peter Hans, les deux témoins sont Arthur VOGL et Karl FISCHL et que c’est encore Josephine HERTL qui a procédé à l’accouchement.

Après l’annexion de l’Autriche (Anschluss de mars 1938), les Nazis obligent la communauté juive de Vienne a enregistré ses membres pour provoquer leur émigration forcée. Peter et Gerda ainsi qu’Ernst et Frieda remplissent un dossier. Le dossier de Paul et Klara n’est pas présent dans les archives de la communauté juive de Vienne numérisée par la Bibliothèque de Tel-Aviv, ce qui ne veut pas dire qu’il n’en est pas rempli un.

Peter a rempli deux dossiers, le premier le 17 mai 1938 et le second le 7 novembre 1938. On y apprend en mai 1938 qu’il est arrivé à Vienne en 1916, qu’il y réside Marktgasse 56 et qu’il exerce la profession de comptable à son compte spécialiste en statistique et facturation. Il travaille pour une société d’émaillage et de produits en métal à Vienne. Il a suivi des études secondaires en collège et les a poursuivies dans une école de commerce. Il parle quatre langues : allemand, anglais, français et espagnol et lors de sa demande, il est prêt à exercer un métier dans la confiserie et/ou la fabrication de crème glacée. Trois de ses cousins habitent déjà à l’étranger : Heinz KÖNIGSFELD à Tel-Aviv (Palestine), José REGENSBURGER à Mexico (Mexique) et Pablo MAÜTNER à Buenos Aires (Argentine). Ses souhaits pour sa migration s’orientent donc naturellement vers la Palestine, le Mexique ou l’Argentine. Il cite comme référence l’Ingénieur Erich STEIN de la société Schiff und Stern à Brünn (Brno, ville de l’actuelle Tchéquie). Il dispose d’un passeport délivré à Vienne et valable jusqu’en mai 1940. Son épouse Gerda exerce la profession d’enseignante (sans précision) et il souhaite qu’elle migre en même temps que lui.
En novembre 1938, on y apprend en plus qu’il a son permis de conduire pour lequel il a passé des deux parties : théorique et pratique et qu’éventuellement, ce serait le métier qu’il souhaiterait exercer dans son nouveau pays d’accueil. Ce n’est d’ailleurs plus les pays dans lesquels ses cousins habitent sur lesquels il choisit de se diriger mais la France en citant comme référence Salomon BARDACH, boyaudier à Saint-Nazaire. On comprend que les pays cités en mai 1938 ont fortement limité voir interdit tout accueil de réfugiés et que la France semble pour lui plus facile à obtenir, Salomon BARDACH étant l’oncle de son épouse.

Ernst a lui aussi également rempli deux dossiers aux mêmes dates. En mai 1938, Ernst étant arrivé à la même date que son frère à Vienne, y réside (adresse illisible) et qu’il est responsable du service des achats d’une grande usine autrichienne de chocolat et de confiserie et responsable des activités d’exportation de l’entreprise. Il parle trois langues : l’anglais, le français et l’espagnol mais a vraisemblablement oublié en remplissant son dossier qu’il parle également allemand. Il est prêt à exercer une profession dans le domaine de la surgélation des produits de confiserie dans son nouveau pays d’accueil. Il a suivi des études secondaires puis a suivi des études supérieures dans le domaine du commerce international (vraisemblablement à Vienne) et les a complétées à l’Institut d’Enseignement Commercial dépendant de l’Université de Grenoble (France). Il cite exactement les mêmes références à l’étranger que son frère et désire migrer vers l’Argentine, le Brésil, l’Australie et éventuellement le Canada et la Palestine. Son épouse Frieda exerce la profession de Professeur d’Arts Plastiques et d’Artisanat spécialisée dans le cuir et les métaux mais a également exercé la profession d’esthéticienne pour lequel elle a suivi une formation à Paris (France). Même chose que son frère : il souhaite que son épouse migre en même temps que lui.
En novembre 1938, toutes les références de ses cousins à l’étranger sont absentes du dossier et il souhaite cette fois-ci migrer vers la France et l’Algérie. Son passeport délivré à Vienne est valable jusqu’au 1er octobre 1939.

Paul et son épouse Klara ainsi que Peter et Gerda sont présents depuis le 11 novembre 1938 en France et ont donc quitté l’Autriche juste après les pogroms de la nuit du 09 au 10 novembre 1938. Paul exerçait la profession d’employé de banque à la Banque des Pays de l’Europe Centrale à Vienne depuis 35 ans. Paul et Clara résident au 11, rue d’Anjou à Saint-Nazaire chez Salomon BARDACH, l’oncle de Gerda. Peter et Gerda résident au 43, rue de la Trinité à Saint-Nazaire. Peter et Gerda travaillent à la « Boyauderie Nantaise » aux Abattoirs de Saint-Nazaire angle de la Rue de la Paix et du boulevard Victor Hugo, Salomon BARDACH y étant boyaudier. On retrouve aussi au même endroit Nelly BARDACH, nièce de Salomon.

Début juin 1939, le conservateur du Musée de Saint-Nazaire, Monsieur EVEILLARD prépare une exposition des maîtres en gravure en relief et en creux, de lithographies, de gravures au burin, pointes-sèches, eaux-fortes et gravures en couleurs. Plusieurs centaines d’oeuvres françaises et étrangères, anciennes et modernes sont réunies classées par école et par époque. Un appel à la population nazairienne est lancée pour que les détenteurs de gravures viennent les exposer lors de ce salon dans une salle du Musée, rue du Bois-Savary. L’exposition est inaugurée en juillet 1939 et l’exposition est ouverte au public à compter du 3 août 1939 ouverte de 9h à 12h et de 14h à 18h sauf le lundi. L’information est relayée dans de multiples articles dans la presse locale (Le Populaire, l’Echo de la Loire, Le Phare, le Courrier de Saint-Nazaire). L’on sait que Paul SCHABLIN était en lien avec le bibliothécaire de Saint-Nazaire, Monsieur FLEURY. Est-ce par son intermédiaire ou en répondant aux appels via la presse locale que Paul SCHABLIN s’intéresse à cette exposition. Toujours est-il qu’un panneau d’exposition lui est réservé pour exposition de gravures de Dürer ainsi que d’autres graveurs d’origine allemande ou autrichienne.

Le Populaire de Nantes (édition de Saint-Nazaire) 16 juillet 1939 [ADLA, presse en ligne]
Le Populaire de Nantes, édition de Saint-Nazaire 20 juillet 1939 [ADLA, presse en ligne]

Suite à l’entrée en guerre le 03 septembre 1939, les ressortissants des pays ennemis à la France (allemands, autrichiens…) sont internés dans un centre de rassemblement pour d’étrangers. Paul Schablin, qui souffre d’angine de poitrine, est interné au centre de rassemblement pour étrangers aux Sables d’Olonne, le camp de La Chaume avec un de ses fils Peter. Pour en sortir, il faut présenter des attestations de « bonne moralité » au nombre de deux. Klara SCHABLIN son épouse écrit une lettre le 18 novembre 1939 au Président de la Commission de criblage chargée d’étudier les différents cas susceptibles d’être libérés. A l’appui, deux soutiens : celui du directeur de la Banque des Pays d’Europe, Monsieur Henri Reuteur et celui du bibliothécaire de la ville de Saint-Nazaire, Monsieur Fleury habitant 57, rue de Pornichet. Paul en sera libéré le 14 janvier 1940 et retourne à Saint-Nazaire.

Dossier de Paul SCHABLIN Police de Sûreté Paris [Archives Nationales, 19940474/0114]

Le camp d’internement de la Chaume situé dans un premier temps dans l’usine Amieux à La Chaume est déplacé dans l’ancienne prison des Sables d’Olonne, désaffectée. Dirigé par le capitaine THOMAS, les conditions d’internement y sont relativement favorables, le dit capitaine veillant au bien-être de ces internés nous dit le rapport MILLNER. Joseph MILLNER de la commission OSE (Oeuvre de Secours aux Enfants) membre de la Commission des Centres de rassemblement de l’intercomité des œuvres françaises d’assistance aux réfugiés, effectue une visite au camp de La Chaume le 18 janvier 1940. Il écrit : « …Par contre, j’ai trouvé dans le camp, des gens proprement mis, des cellules chauffées et des visages gais. En comparaison avec d’autres camps, celui des Sables, c’est un « petit hôtel particulier » où les habitants sont bien nourris (le capitaine Thomas et ses collaborateurs se soucient beaucoup pour que la nourriture soit suffisante et saine) ». A été constitué dans le camp un « club des internés ». Joseph MILLNER complète : « Le club des internés » a produit sur moi une impression réjouissante. Une très grande pièce, aérée, bien claire, chauffée. En entrant, j’ai trouvé une quinzaine environ d’internés en train de lire des journaux, de jouer aux échecs, de causer entre eux ; une certaine gaité régnait dans la pièce.  Il faut également ajouter que dans ce camp, les internés ont la possibilité de recevoir leur femme et les membres de leur famille. »

Au 30 novembre 1939, le camp accueille 226 personnes. Au 25 septembre 1939, les femmes et enfants sont assignées à résidence à Châteaubriant, soit dans des hôtels, soit chez des particuliers. L’arrivée de ces femmes et enfants sera relatée dans un article de presse.

Si le rapport MILLNER dresse une situation idyllique du camp, un témoignage d’un des internés nous décrit cette fois-ci La Chaume aux Sables d’Olonne et son annexe de La Roche-sur-Yon comme « un camp de représailles allemand » .



Camps 1940-1944 Box1 Folder4 France Concentration Camp Collection AR 3987-MF 836 Leo Baeck Institute
Intérieur d’une cellule du camp de La Chaume, dessin au crayon Leib (Léo) CIZES [Collection CIZES, USHMM, Washington]

Entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940, il se fait recenser auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire sous le numéro 150. Ernest et Peter ne sont pas recensés et ne sont donc pas présents dans l’arrondissement de Saint-Nazaire en octobre 1940. Peter et son épouse Gerda ont quitté l’arrondissement de Saint-Nazaire et partent vers le Sud de la France en zone non-occupée, vers la Haute-Garonne.

Extrait liste dactylographiée du recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]
Extrait liste dactylographiée du recensement 08 novembre 1940 [ADLA 1694W25]

Puis le couple est refoulé de l’arrondissement de Saint-Nazaire entre le 26 novembre et le 25 décembre 1940 pour Nantes [entre le 26 et le 28 novembre 1940] puis le Maine-et-Loire.

Contrôle de déplacement des Israëlites [ADLA 1694W25]
Contrôle de déplacement des Israëlites [ADLA 1694W25]
Contrôle de déplacement des Etrangers [ADLA 1803W106]
Contrôle de déplacement des Etrangers [ADLA 1803W106]

Paul et Klara SCHABLIN arrive dans la commune des Rosiers-sur-Loire dans le Maine-et-Loire le 29 novembre 1940.

Contrôle de présence des Juifs [ADML 97W39]
Contrôle de présence des Juifs [ADML 97W39]

La présence aux Rosiers-sur-Loire est attestée par une carte postale envoyée de Ruth SCHAUL à son mari au Camp de Djelfa en Algérie. Les deux époux étaient arrivés en même temps que Ruth et sa petite fille Anja dans la commune. Pendant trois mois, ils vont loger ensemble mais il semble que la cohabitation ait été compliquée. Paul et Clara habitent aux Rosiers « dans les deux coins opposés de notre vieux château » nous dit Ruth. La maison où habite Ruth est située sur la levée de Loire et derrière se trouve un grand jardin. En mitoyenneté de ce jardin se trouvent d’autres habitations. Il est possible que ce soit à cet endroit que Paul et Clara habitent.

Carte du 30 juin 1942 de Ruth à Hans SCHAUL, carte envoyée de la Recette Principale des PTT à Paris le 07 juillet 1942 avec taxe de 1 francs perçue pour envoi par avion :

30-6-42
Mon cher Jean, je ne sais pas ce qui t’as vexé dans ma carte. Les détails de la vie, c’est compliqué à décrire. Tandis qu’à Saint-Etienne tout le monde comprenait ma situation et que j’étais dans l’estime public, ici c’était tout le contraire on se méfie de moi. Ça change très doucement. Et j’ai trouvé quand même des gens qui sont gentilles avec moi. Et puis les temps sont plus durs chacun pense à soi. A part ça, j’ai eu le malheur d’arriver ici ensemble avec un vieux ménage juif, qui sont insupportables. Ou ça retombe sur moi, ou ils profitent de ce qu’ils sont tchèques pour me rendre encore plus suspecte. Au début, sur leur désir, on habitait ensemble. Au bout de 3 mois, j’en avais marre et maintenant on est voisin dans les deux coins opposés de notre vieux château. Des gens égoïstes, lâches, larmoyants, collants, bref insupportables, qui m’embêtent encore toute la journée. Ça veut dire elle, car lui est dans un camp. Henri recevra au mois de juillet un colis : dans la boîte, les tomates et oignons sont de mon jardin, le beurre du lait d’Annie. Et toi, Charlotte ne t’envoie plus rien. Pourquoi ? Sa mère m’envoie de temps en temps 100 frs. La conduite des parents de Mr docteur est ignoble. J’ai [Illisible] le bois pour l’hiver et je le brûlerai. 
A. et R.

Collection Dirk KRÜGER
Maison où ont habité Paul et Clara durant l’hiver 1940-1941 [collection particulière]

Lors du deuxième recensement des Juifs de juin 1941, il (ou plutôt son épouse car c’est elle qui signe) se présente à la mairie des Rosiers-sur-Loire pour effectuer la déclaration.

Paul est arrêté (date inconnue) et est interné au Camp de Beaune-la-Rolande (Baraque 5) le 24 septembre 1941 pour je cite : « Motif d’internement : Indésirable ». Il est l’un des tout premier à être arrêté dans le Maine-et-Loire et il s’agit d’une arrestation individuelle. A Beaune-la-Rolande, toujours très malade comme l’avait écrit son épouse, il est hospitalisé deux fois : fin 1941 et rentre au camp le 02 janvier 1942 puis du 20 janvier 1942 au 13 mars 1942.
Il quitte le camp de Beaune-la-Rolande pour être interné au camp de Pithiviers le 04 juillet 1942 (Baraque 6). Il quitte le camp de Pithiviers pour être interné sur le camp de Drancy (date d’arrivée inconnue).

Fiches d’internement des camps de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Drancy [Archives Nationales, F9]

Il est déporté par le convoi numéro 25 du 28 août 1942 de Drancy à Auschwitz. Paul SCHABLIN a été exterminé à Auschwitz-Birkenau et en l’absence d’information a été déclaré Mort en déportation 5 jours après l’arrivée du convoi. Il avait 58 ans.

Liste du convoi numéro 25 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]
Liste du convoi numéro 25 [CDJC, Mémorial de la Shoah, en ligne]

Klara SCHABLIN a été arrêtée lors de la rafle d’octobre 1942 puis transférée au Grand Séminaire Angers (où les séminaristes sont présents) puis transférée sur Drancy le 17 octobre 1942.

Fiches d’internement des camps de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Drancy [Archives Nationales, F9]

Klara SCHABLIN a été déportée par le convoi numéro 40 du 04 novembre 1942. Elle a été exterminée à Auschwitz-Birkenau. Elle avait 57 ans.

Liste convoi 40 [CDJC, Mémorial d la Shoah, en ligne]
Liste convoi 40 [CDJC, Mémorial d la Shoah, en ligne]
Plaque commémorative sur le monument aux morts derrière la mairie des Rosiers-sur-loire
Plaque commémorative sur le monument aux morts derrière la mairie des Rosiers-sur-loire

La trajectoire de Peter et Gerda

Peter et Gerda sont présents à Saint-Nazaire avec Paul et Klara à partir de leur entrée en France en novembre 1938. Paul avait effectué une demande de carte d’identité auprès de la Sous-Préfecture de Saint-Nazaire pour laquelle un récépissé lui avait été fourni le 16 novembre 1938. Peter avait fait une demande auprès du Consulat des Etats-Unis à Vienne avant sa migration vers la France pour migrer aux Etats-Unis. En mars 1939, il avait effectué une demande pour que son dossier soit transmis du Consulat à Vienne au Consulat des Etats-Unis à Nantes. Comme dit plus haut, Peter et Gerda résident au 43, rue de la Trinité à Saint-Nazaire. Peter et Gerda travaillent à la « Boyauderie Nantaise » aux Abattoirs de Saint-Nazaire angle de la Rue de la Paix et du boulevard Victor Hugo, Salomon BARDACH y étant boyaudier. On retrouve aussi au même endroit Nelly BARDACH, nièce de Salomon et soeur de Gerda.

Peter a l’entrée en guerre début septembre 1939 a été interné au camp de la Chaume (avec son père Paul) aux Sables d’Olonne (Vendée). D’abord installé à l’Usine Amieux à La Chaume pendant un mois, les internés au nombre de 230 sont déplacés à la prison des Sables d’Olonne désaffectée.

[DOULUT, Alexandre & Sandrine LABEAU « Les 473 déportés juifs de Lot-et-Garonne : histoires individuelles et archives » ; Après L’Oubli, Les Fils et Filles Déportés Juifs de France, 2010]

Peter est convoqué pour examen de situation à compter de février 1940 à La Roche-sur-Yon. En mars 1940, il est déclaré apte à être versé comme Prestataires Etrangers (population civile travaillant pour le compte de l’armée française). Il rejoint d’abord un dépôt d’artillerie (n°4) au Mans (intégré à l’armée anglaise) le 16 mai 1940 d’où il est démobilisé le 26 juin 1940 et rendu à la vie civile.

Peter Hans dit Pierre SCHABLIN et son épouse Gerda SCHABLIN sont déchus de leur nationalité autrichienne et rejoignent le Sud de la France entre mai et octobre 1940 (très certainement avant juin 1940 fuyant l’avancée allemande). D’après les travaux d’Alexandre DOULUT et Sandrine LABEAU, Peter à la libération du camp de la Chaume (Sables d’Olonne, Vendée) devient prestataire pour la British Army à la 704ème compagnie de prestataires étrangers. Deux jours après, il est affecté au dépôt d’artillerie n°4 du Mans jusqu’au 26 juin 1940 et est démobilisé à Tarbes peu de temps après. D’août à octobre 1940, les époux résident à Montréjeau en Haute-Garonne.
Peter est transféré au camp de Brens (Baraque 2) près de Gaillac dans le Tarn à compter du 31 octobre 1940. Il travaille à la cuisine du camp et fait partie du service d’ordre. Ils ont une adresse chez une particulière : Mme Albert CONTE, rue de Montmirail à Brens. Peter est interné au camp de Gurs (baraque A7) (Basses-Pyrénées) le 5 mars 1941. Nommé planton, il est autorisé à circuler à l’intérieur du camp de 7 heures à 23 heures. Sa femme Gerda travaille à l’infirmerie du second quartier. Peter est envoyé à la 308ème Compagnie de Travailleurs Etrangers au Château de Tombebouk à Villeneuve-sur-Lot dans le Tarn-et-Garonne entre le 15 et le 30 juin 1941. En juillet 1941, son nom apparaît dans le recensement des Juifs du Lot-et-Garonne. Il est ouvrier agricole chez Pierre Rouaux au lieu-dit Matouret à Moncrabeau. Son épouse toujours internée à Gurs est hébergée d’abord ans la baraque 15 de l’îlotier K puis dans la 11 de l’îlotier I et enfin dans la 4. Le 23 mars 1942, elle est libérée de Gurs et rejoint Peter au Temple-sur-Lot chez un nouvel employeur : Lasbouygues
. [DOULUT, Alexandre & Sandrine LABEAU « Les 473 déportés juifs de Lot-et-Garonne : histoires individuelles et archives » ; Après L’Oubli, Les Fils et Filles Déportés Juifs de France, 2010]

De Brens, le 22 janvier 1941, il demande de l’aide à la HIAS (Hebrew Immigration Aid Society) pour pouvoir migrer aux Etats-Unis avec son épouse et dépose un dossier à la HICEM de Marseille. Les modalités d’entrée au Etats-Unis ont changé à partir du printemps 1941. Toujours soumis à la règle des quotas par nationalité, il « suffisait » de déposer une demande auprès du Consulat américain et de signaler une personne de référence aux Etant-Unis (+ visa de sortie du pays d’origine + visa éventuel de transit du pays dans lequel on va prendre son paquebot). En mars 1941, c’est la personne de référence aux Etats-Unis qui doit s’adresser au Département d’Etat à Washington et doit demander votre venue aux Etats-Unis. Les politiques d’entrée aux EU déjà compliquées se durcissent donc en mars 1941. On remarque dans la demande que la personne de référence aux Etats-Unis s’appelle Nelly KURTIS (de son nom de jeune fille BARDACH, la soeur de Gerda)

Dossier de Peter et Gerda SCHABLIN [Center For Jewish History
Schaa – Schae, 1940-1943, Box: MKM 23.1-23.2, Folder: France III – 365, Reel: 18.37. Records of HIAS-HICEM Main Office in Europe, RG 245.5 (France I-IV). YIVO Institute for Jewish Research]

On retrouve trace de cette demande de migration par les archives de l’International Tracing Service de Bad Arolsen via Nelly KURTIS (née BARDACH) qui effectue une demande de recherche de disparus le 15 mai 1945. (Dossier transmis par l’AJDC de New York en Allemagne)

Arrêtés parce que Juifs, ils sont arrêtés le 26 août 1942 à leur domicile puis transférés au camp de Sauvaud à Casseneuil Avant leur départ pour Drancy le 3 septembre, ils confient leurs papiers administratifs au Rabbin Simon FUKS. Ils sont déportés tous les deux par le même convoi, le convoi numéro 30 de Drancy à Auschwitz-Birkenau du 09 Septembre 1942. Ils ont été exterminés à Auschwitz. Pierre avait 29 ans et son épouse 30 ans. La valise de Peter et son contenu sont vendus aux enchères à Villeneuve-sur-Lot le 31 janvier 1943, les affaires de Gerda le 3 février suivant. [DOULUT, Alexandre & Sandrine LABEAU « Les 473 déportés juifs de Lot-et-Garonne : histoires individuelles et archives » ; Après L’Oubli, Les Fils et Filles Déportés Juifs de France, 2010]

Fiche d'internement du camp de Drancy [Archives Nationales F9]
Fiche d’internement du camp de Drancy [Archives Nationales F9]

La trajectoire de Ernst et Frieda

Ernest Ersnt Percy SCHABLIN, le fils de Klara et Paul, était marié avec la fille de l’actrice Frida RICHARD ou Frieda dite Fritzy ou Frizzy SCHABLIN née le 23 octobre 1900 à Augsburg. Le 29 décembre 1935, elle épouse donc Ernst Schablin en Autriche.
Selon un témoignage oral recueilli par Pavol SZALAÏ, Paul et Frieda sont également présents à Saint-Nazaire. Quelque temps plus tard, le couple se dirige sur Nice.
Ernst est interné à l’entrée en guerre le 3 septembre 1939 à Nice dans le stade du Ray puis interné dans le camp de Forcalquier. Il est versé dans une Compagnie de Travailleurs Etrangers (CTE) employé à divers travaux.
« Le centre de Forcalquier fut en fonction du 9 novembre 1939 à mai 1940. 72 hommes, encadrés par le lieutenant Marchand, logeaient dans une prison désaffectée, La Simonette. Les hommes y jouissaient d’une assez grande liberté et furent invités par les villageois pour Noël. Parmi eux, les peintres Francis Springer, d’origine allemande, et Hans Bellmer, d’origine autrichienne.  » https://books.openedition.org/pup/6877?lang=fr
On retrouve trace de la présence de Ernst SCHABLIN au camp de Forcalquier. Les éventuels prestataires auprès du Ministère du Travail sont classés par groupes de professions. Ernst pour lequel la profession de chocolatier est renseignée est classé dans la catégorie Autres Professions c’est à dire Manoeuvres.

Il est dirigé en mai 1940 vers le camp Suzzoni à Boghar en Algérie puis en mai 1942 au camp de Colomb-Bechar toujours en Algérie.

La camp du Boghar est divisé en deux sous-camps : le camp Morand et le camp Suzzoni. En février 1941, le camp Morand compte 316 internés composés de travailleurs étrangers (116), d’anciens légionnaires (80) et d’indésirables (120) en fait les Juifs et le camp Suzzoni composé de 372 réfugiés espagnols et à cette date, il est suggéré de transférer des internés du camp Morand vers le Camp Suzzoni. Les activités principales dans ce camp de travail consistent en la fabrication d’alfa (papier fabriqué à partir de la plante alfa), fabrication d’objets de bois tourné, de cages, jardinage et travaux d’entretien du camp.

Le 31 mars 1943, le camp est libéré par l’armée anglaise et Ersnt s’engage dans l’armée anglaise.

Ernest réussit à gagner l’Angleterre où il décède en 1980.
Son épouse Frieda réside toujours à Nice, y est arrêtée puis le 03 septembre 1942, Frieda SCHABLIN est internée au camp de Drancy (bloc 4, escalier 16, deuxième étage) pour être ensuite déportée à Auschwitz le 04 novembre 1942 par le convoi numéro 40, le même convoi que sa belle-mère.

 Fiches d'internement des camps de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Drancy [Archives Nationales, F9]
Fiches d’internement des camps de Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Drancy [Archives Nationales, F9]
Liste convoi 40 [CDJC, Mémorial d la Shoah, en ligne]
Liste convoi 40 [CDJC, Mémorial d la Shoah, en ligne]

Une lettre, datée du 02 janvier 1943, de Heinz Hilpert, directeur du « Deutsches Theater » à Berlin, adressée au Docteur Carltheo Zeitschel, Legationsrat (conseiller de légation) à l’ambassade d’Allemagne à Paris, concerne le sort de Frida Schablin et est disponible dans le centre d’archives du Mémorial de la Shoah (non consultée) :
« L’auteur expose la situation de Frida Schablin, fille de l’actrice réputée du théâtre berlinois « Deutsches Theater », Frida Richard. La mère a reçu l’information que sa fille, internée à Drancy, avait été « transférée ». Elle ne connaît pas la signification de ce terme et s’inquiète beaucoup. Monsieur Hilpert demande si le Docteur Zeitschel peut faire en sorte que la mère reçoive un signe de vie de sa fille. » Memorial de la Shoah cote = DCXXIV  

Les mémoires

Une Stolpersteine (pierre d’achoppement) a été posée à Salzbourg devant le domicile de Frieda SCHABLIN.

Plus d’informations sur la famille à cette adresse : https://www.stolpersteine-salzburg.at/stolperstein/schablin_frieda/

Une plaque a été posée au monument aux morts de la commune des Rosiers-sur-Loire (Maine-et-Loire) à l’initiative de Daniel QUEYROI.

Les noms apparaissent sur le mur des noms au Mémorial de la Shoah à Paris.

Des dossiers sont présents à la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Service Historique de La Défense à Caen. 5 dossiers sont présents (Clara, Frida, Gerda, Paul et Peter). Deux ont été consultés. Ils contiennent des rectifications d’actes d’état civil émanant de l’ONACVG (Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre) datant de … 2011… Aucun membre de la famille n’a à priori déposé de demande pour obtenir un statut de déporté politique (ouvrant droit éventuellement à pécule).

Le 3 août 1945, Stella HERLINGER-RICHARD (la soeur de Frieda) a publié un avis de recherche dans l’Aufbau dans l’espoir d’obtenir des informations sur sa soeur et le reste de la famille [Aufbau : hebdomadaire américain publié à New York disponible sur le portail Deutsches Zeitungsportal]

En 1947, un dossier est constitué auprès d’ITS Bad Arolsen vraisemblablement par le Service Européen de Recherche (S.E.R.) qui concerne tous les membres de la famille disponible via ITS Bad Arolsen : https://collections.arolsen-archives.org/de/search/topic/6-3-3-1_06030301-A21-053?s=schablin

En 1966/1967/1968, une demande de renseignements complémentaires émanant de la Croix Rouge Internationale auprès de l’ITS Bad Arolsen est effectuée concernant Ernst SCHABLIN. https://collections.arolsen-archives.org/de/search/topic/6-3-3-3_06030303-B062-407?s=schablin

Un certain nombre de documents sont disponibles via les Archives Nationales à Londres : The National Archives, Kew, Richmond, Surrey TW9 4DU mais non disponibles en ligne concernant Ernst SCHABLIN et ne seront ouverts à la consultation qu’en 2049 (sauf à demander une dérogation) :

https://discovery.nationalarchives.gov.uk/details/r/C13496601 Reference: HO 405/54010 Description: SCHABLIN, E P Year of Birth 1912 Date: 1948 Jan 01 – 1948 Dec 31 Held by: The National Archives, Kew 

Le dossier de naturalisation de Ernst constitué en 1948 en Angleterre est disponible librement mais en se déplaçant aux Archives Nationales à Londres :

https://discovery.nationalarchives.gov.uk/details/r/C11878772 Reference: HO 334/218/46399 Description: Naturalisation Certificate: Ernst Percy Schablin. From Austria. Resident in London. Certificate AZ46399 issued 4 September 1948. Note(s): Alias: Ernest Percy Schablin. Date: 1948 Sept 4 Held by: The National Archives, Kew

10 commentaires sur “SCHABLIN Paul, Klara, , [Peter, Gerda], [Ernst, Frieda] [150]

  1. Bonjour,

    Ernest Ersnt Percy SCHABLIN a-t-il actuellement des descendants vivants ?

    Je sais qu’il a eu une fille au royaume uni. Est-elle décédée? A-t-elle elle même des descendants?

    1. Bonjour,

      je crois être le seul membre vivant de la famille d’Ernest. Il a été le fils de la soeur de mon arrière grande-mère. La mère d’Ernest, Klara Schablin, née Vogl, a été la soeur de mon arrière grande-mère, Laura Hirsch, née Vogl. Elles venaient toutes les deux d’un petit village germanophone des Sudètes, qui se trouve aujourd’hui en Tchéquie. Je connaissait la seconde épouse d’Ernest qu’il avait rencontrée à Londres. Elle lui a survécu de 40 ans et est morte en 2020 en Angleterre. Ils n’avaient pas d’enfants.

      Cordialement,

      Pavol Szalai

      1. Oui, je m’appelle Pavol Szalai et je travaille à RSF, mais je m’intéresse à cette histoire à titre privée, pour des raisons familiales.

      2. Bonjour,
        Est-il possible de continuer cette conversation en privé.
        Mais peut-être que cette messagerie est privée et n’a rien à voir avec le site internet sur la shoah à St Nazaire?

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