WEBERSPIEL Hersz, Laja, Jacques, Berthe, Simon, Maurice, Jules, Rachel, Georges [58]

La famille WEBERSPIEL (ou WEBERSZPIL) arrive à La Baule le 05 septembre 1939 à l’entrée en guerre. Le chef de famille Hersz né le 04 avril 1883 à Chelm (Pologne) est marié avec Laja dite Léa WEBERSPIEL née RENDLA née le 12 mai 1886 à Chelm (Pologne) et le couple a 7 enfants.

• Samuel dit Jacques né le 12 mai 1913 à Chelm (Pologne) marié le 10 novembre 1932 à Paris (11ème arrondissement) avec Sura LEWIN née à Varsovie le 15 juillet 1913. Le couple a un enfant : Yvette née le 16 septembre 1937 à Paris (18ème arrondissement).
• Bajla Gittla dite Berthe dite Betty née le 12 juillet 1915 à Chelm (Pologne)
• Salomon dit André dit Simon né le 13 juin 1918 à Chelm (Pologne) marié à avec Fajga dite Félicia WEBERSPIEL née ROCHMANN née le 21 février 1915 à Michow (Pologne). Le couple a un enfant né à Saint-Nazaire le 17 avril 1940 : Paul-Emul.
• Moszek dit Maurice né le 08 septembre 1921 à Chelm (Pologne)
• Jules né le 04 novembre 1923 à Lunéville (français par déclaration du 15 avril 1927)
• Rachel dite Michèle née le 06 mai 1933 à Lunéville
• Zalmen dit Georges né le 4 juin 1936 à Lunéville

La famille est par ailleurs accompagnée à La Baule par le frère de Hersz lui-même marié et père de trois enfants : Chyr et son épouse Jochwed et les trois enfants Marie, Régina et Anna.

Au total c’est donc un ensemble de 14 personnes qui compose les structures familiales. Hersz et son épouse Léa sont présents avec cinq de leurs enfants : Salomon, Bajla, Mojzek, Rachel et Zalmen ainsi que leur belle-fille Félicia avec Paul-Emul ainsi que la famille de Chyr.

Hersz WEBERSPIEL est arrivé en France de Pologne le 13 août 1922 et exerce la profession de marchand ambulant en brocante mais à l’origine était menuisier. La famille loge au 4, rue de Lorraine à Lunéville. Deux de ses enfants exercent en 1936 une profession : Bajla est couturière et Maurice est apprenti fourreur à Paris chez Dulac au 78, avenue de Wagram et il réside au 47, rue Doudeauville dans le 18ème arrondissement.

Recensement de population [Archives Meurthe-et-Moselle 6M33 LUNEVILLE 1926, 1931 et 1936

Moszek (Maurice) a été présenté au certificat d’études en juin 1934, scolarisé à l’ Ecole Primaire Supérieure de Lunéville, qu’il obtient de manière tout à fait honorable.

La famille quitte Lunéville le 05 septembre 1939 pour le 39, rue Myrha à Paris (18ème arrondissement) et se dirige vers La Baule le même jour où elle loge dans les annexes de l’Hôtel Royal qui servent d’hébergement pour les travailleurs saisonniers allée Duruy et qui vont accueillir les réfugiés de l’Est de la France ou de Paris et région parisienne. La famille habitera un peu plus tard Villa Chanteclerc, avenue des Pins puis Villa Graziana, Avenue Josselin.

Les familles qui arrivent sont sans ressources et Hersz va percevoir une allocation pour réfugiés auprès de la mairie de La Baule afin de subvenir aux besoins de la famille.

Hersz et Laja effectuent une demande de renouvellement de cartes d’identité d’étrangers et le tampon juif est apposé sur leur récépissé à l’automne 1940.

Demandes de cartes d’identité [ADLA 4M949 et 4M946]

Au mois de mars 1940, Hersz effectue un déplacement sur Lunéville pendant 15 jours puis se déplace à Paris au 39 rue Myrha dans le 18ème arrondissement pendant environ un mois au mois d’août 1940 pour revenir à La Baule le 27 septembre 1940 dans leur nouveau logement avenue des Salines puis Villa Graziana, avenue Josselin à la Baule. Il se fait recenser auprès de la sous-préfecture de Saint-Nazaire entre le 01 octobre et le 21 octobre 1940 sous le numéro 58.

Son stock de marchandises de brocante est aryanisé à l’automne 1940 par Monsieur Henri RIBAUD, avoué, rue d’Alsace puis 31 rue de Sarrebourg à Lunéville nommé administrateur provisoire. [Sur l’arrondissement de Lunéville, ce sont les avoués qui ont fait office d’administrateurs provisoires mais on y retrouve le greffier du Tribunal de Commerce de Lunéville, un commissaire priseur et deux notaires qui vont s’occuper de la spoliation des 62 entreprises appartenant à des Juifs].

Eu égard à une situation financière catastrophique, il demande à être exonéré de la taxe sur les cartes d’identité et envoie dans ce sens un courrier joint à sa demande.

La famille est expulsée de la zone côtière interdite le 26 novembre 1940 d’abord sur Nantes puis expulsée du département de Loire-Inférieure et dirigée vers le département du Maine-et-Loire dans la commune de Saint-Georges-sur-Loire puis Saint-Mathurin-sur-Loire où elle arrive le 29 novembre 1940 (Herz, Léa, Maurice, Michèle, Georges, Félicia, Paul)

Sa carte d’identité lui sera expédiée suite à sa demande manuscrite.

La famille se déplace à Ingrandes-sur-Loire le 02 décembre 1941 où elle loge boulevard de Saint-Georges. En février 1943, un arrêté préfectoral ordonne l’arrestation de la famille mais celle-ci a déjà quitté la commune en août 1942 pour fuir.

Familles juives arrêtées [ADML 303W294]

Hersz, Léa son épouse, Rachel leur fille, sa belle-fille Félicia et son petit-fils Paul-Emul sont arrêtés à Vierzon (Cher) le 10 août 1942 lors du passage de la ligne de démarcation, incarcérés à la prison d’Orléans, transférés le 18 août 1942 au camp de Pithiviers puis sur le camp de Drancy où ils arrivent le 22 août 1942.

Fiches de Hersz et Laja WEBERSPIEL [Fichiers Préfecture Police Paris Individuel Adulte F9/5666 et Individuel Enfant F9/5667]

Fiches d’internement de Hersz WEBERSPIEL Drancy/Pithiviers [Archives Nationales]

Fiches d’internement de Léa (Laja) WEBERSPIEL Pithiviers [Archives Nationales]

Fiches d’internement de Rachel (Michèle) WEBERSPIEL Pithiviers [Archives Nationales]

Hersz, Léa et Michèle (Rachel) sont déportés par le convoi numéro 29 de Drancy à Auschwitz le 07 septembre 1942. Léa et Rachel ont été gazées à l’arrivée du convoi. Hersz a été sélectionné pour rentrer dans la partie concentrationnaire du camp où il décède le 11 janvier 1943. Hersz avait 59 ans, Léa 56 ans et Rachel 9 ans.

Félicia et Paul, internés à Drancy depuis le 22 août 1942 sont envoyés dans le camp de Beaune-la-Rolande le 24 septembre 1942 puis réintègrent le camp de Drancy le 27 septembre 1942. Ils sont déportés par le convoi numéro 43 de Drancy à Auschwitz du 13 février 1943 et ont été gazés à l’arrivée. Félicia avait 27 ans et Paul 2 ans et demi.

Maurice (Moszek) est arrêté le 14 mai 1941 et est interné le 25 septembre 1941 au camp de Beaune-la-Rolande Baraque 19. Il est hospitalisé entre le 28 septembre 1941 et le 04 octobre 1941 et réintègre le camp.

En octobre 1941, l’assistance sociale du Camp de Beaune-la-Rolande appuie sa demande pour obtenir une carte d’identité.

Il est déporté par le convoi numéro 5 de Beaune-la-Rolande vers Auschwitz le 28 juin 1942.

Maurice a été enregistré dans la partie concentrationnaire d’Auschwitz sous le numéro 43679 . Sa date de décès est inconnue, il avait aux alentours de 21 ans.

Samuel, l’ainé, né le 12 avril 1913 à Chelm (Pologne) est à Paris en 1940 avec son épouse Sura [Père : Abram LEWIN et mère : Ryfka SZYCHTER] (naturalisée française par décret, dossier 68998X28) et leur petite fille Yvette. Il s’est marié le 10 novembre 1932 à la mairie du 20ème arrondissement. Il est scolarisé dans une école d’apprentissage à Strasbourg de 1927 à 1932 pour y apprendre le métier de fourreur, métier qu’il exercera toute sa vie.

Il est engagé volontaire le 12 novembre 1939 au 22ème RMVE dans un régiment étranger (DRMVE, Seine) recruté au bureau de recrutement de Paris au Dépôt du Régiment de Marche de Volontaires Etrangers à Clignancourt, et incorporé le 13 décembre 1939, versé à Barcarès dans la CA3 et muté à la C.H.R., il a pris part aux combats de la Somme, de la Loire et du Loir-et-Cher. Il sera cité à l’ordre du Régiment n°42 et titulaire de La Croix de Guerre avec étoile de bronze. Il est démobilisé à Septfonds le 26 juin 1940. Il entre en résistance (son nom apparaît dans le livre d’Annette WIEWORKA, « Ils étaient Juifs et Résistants »). Il est membre de la compagnie RAYMANN ou RAJMANN (affiche rouge), compagnie FTP-MOI (Francs-tireurs partisans de la main d’oeuvre émigrée).

La famille réside au 47, rue Doudeauville dans le 18ème arrondissement. Leur fille Yvette est scolarisée dans l’école maternelle communale du quartier. Samuel quitte Paris pour Pau en juillet 1941où il réside dans un premier temps à l’Hôtel du Commerce puis au 5 bis, rue Henri-Faisans puis 6, avenue Edmond Rostand, Sura et Yvette le rejoignent quelque mois plus tard. La famille quitte Pau au cours de l’année 1943 à destination de Grenoble « avec l’intention de se réfugier en Suisse afin de se soustraire aux recherches dont ils pouvaient être l’objet de la part des Autorités Occupantes , du fait de leur confession« . Il réside à Grenoble au 34 bis boulevard Clémenceau sous le nom de PELLETIER jusqu’en 1943 [son nom d’emprunt fait étroitement référence à son métier de fourreur, PELLETIER = pelleterie = fourrure] puis au 2 bis rue ? à Lyon de 1943 à 1945.

Il sert dans les FFI dans le bataillon Dominique du 14 août 1944 au 7 septembre 1944 en qualité de tireur FM (fusil mitrailleur) et participe à plusieurs opérations dans la région de Lyon. Il est cité une seconde fois à l’ordre du bataillon pour la libération de la ville de Lyon.

Samuel effectuera une demande de naturalisation en 1947 qu’il obtiendra.

Salomon né le 13 juin 1918 est présent en avril 1940 à La Baule pour la naissance de son fils Paul-Emul puis s’engage dans les FTPF. Survivant en 1945. [Recherche en cours sur dossier naturalisation].

Bajla Gitla dite Berthe, Jules et Georges ne sont pas déportés.

Baila Gitla dite Berthe dite Betty réside donc à La Baule du 09 septembre 1939 au 10 octobre 1940. Alors que le reste de la famille se fait recenser en tant que Juif entre le 1er et le 21 octobre 1940 dans l’arrondissement de Saint-Nazaire, elle ne le fait pas. Elle quitte La Baule pour passer la ligne de démarcation pour se rendre à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) où elle réside 14, rue Champfort (avec Georges et Jules ???) chez son oncle et sa tante (?) Monsieur et Madame LEDERMANN jusqu’en mars 1943. A cette date, elle quitte clandestinement Clermont-Ferrand pour une destination inconnue.

Après-guerre, elle vit maritalement depuis les années 50 avec Isaac (prénom usuel Ignace) KASS au 13, rue Paul Albert dans le 18ème arrondissement à Paris. Jules et Georges vivent également au même endroit.

Isaac KASS est né le 31 juillet 1902 à Varsovie. Il s’était marié le 12 mai 1928 à Paris (11ème arrondissement) avec Malka GUTMAN née le 18 février 1904 à Varsovie. Trois enfants vont naître : Simon né le 29 avril 1929 à Paris (19ème arrondissement), René né le 23 octobre 1933 à Paris (19ème arrondissement) et Georges né le 16 juin 1936 à Paris (12ème arrondissement). Isaac exerce à cette époque la profession de marchand ambulant en bonneterie sur les marchés de banlieue.

Il est arrêté une première fois le 2 septembre 1939 comme suspect par les Autorités Militaires et interné à Fresnes. Il en est libéré 15 jours plus tard sur ordre de Monsieur MAKLAKOFF Basile, ex-ambassadeur du gouvernement Kerenski. Isaac est engagé volontaire le 8 octobre 1939 à la caserne de Reuilly, est reconnu apte mais n’est pas appelé eu égard à ses charges de famille.

Il est ensuite interné à la prison des Tourelles du 27 octobre 1941 au 16 janvier 1942 avec la mention « ancien militant communiste » (il avait adhéré au Parti communiste en 1937 pour fournir des marchandises aux Républicains espagnols). Il est de nouveau arrêté le 20 juin 1942 et déporté vers Auschwitz le 27 juillet 1942 puis Mathausen. Il est rapatrié le 19 juin 1945 à Paris.

Malka dite Madeleine est arrêtée lors de la rafle du Vel d’Hiv le 16 juillet 1942 puis déportée par le convoi 10 du 24 juillet 1942 à destination d’Auschwitz où elle périra.

Les deux enfants René et Georges deviennent pensionnaires du centre Secrétan, 70 avenue Secrétan, Paris XIX° (maison d’enfants de l’Union Générale des Israélites de France) après la déportation de leurs parents par le convois 10 et 11. Georges et René KASS sont raflés le 22 Juillet 1944 sur décision d’Aloïs Brunner, commandant du camp de Drancy, en représailles à des actions résistantes. Les deux frères sont déportés par le dernier convoi quittant Drancy pour Auschwitz-Birkenau. Ils sont assassinés dans les chambres à gaz dès leur arrivée, à l’âge de 8 ans, tout comme son frère René à l’âge de 11 ans. Une photographie de Georges et René Kass figure page 775 du Mémorial des Enfants Juifs Déportés de France (Serge Klarsfeld). Leur frère Simon n’est pas déporté.

Betty WEBERSPIEL se marie avec Isaac KASS le 6 juillet 1954 à Paris (11ème arrondissement).

Betty dont 11 membres de sa famille ont été déportés et non-revenus se marie donc avec Isaac lui-même déporté dont 3 membres de sa famille ont été déportés et non-revenus. Le couple tentera d’obtenir la nationalité française en 1950 et 1953 sans succès. Issac tentera d’obtenir le statut de déporté politique sans succès.

Betty décède à Paris le 8 avril 2001 à l’âge de 85 ans à Paris (12ème arrondissement). Yvette Rachel décède le 12 décembre 1988 à Nogent-sur-Marne.

Les cinq enfants survivants s’occuperont des démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre pour régulariser la situation d’état civil de leurs parents (Hersz et Léa) et de leurs frères et soeurs (Rachel et Maurice) et leur belle-soeur et neveu (Félicia et Paul-Emul). Ils habitent tous Paris après-guerre.

Après-guerre, Sam JOB, président de l’Association Consistoriale Israélite de Lunéville lança une souscription auprès des membres de la communauté afin de faire ériger un monument en mémoire des Juifs déportés. Le monument avec plaque se trouve dans la cour de la synagogue de Lunéville et a été inaugurée en 1948.
https://doi.org/10.3917/aj.352.0141

Dossier d’étranger de Bajla Gittla dite Berthe WEBERSPIEL [ADLA 4M939]

Base des engagés volontaires 1939-1940 WEBERSPIEL Samuel [Ministère des armées, Mémoire des Hommes, en ligne]

Death Book of Auschwitz, Yad Vashem en ligne