WEBERSPIEL Samuel, Sura, Yvette (NR)

Samuel dit Jacques dit Sally WEBERSPIEL ou WEBERSZPIL est né le 12 avril 1913 à Chelm [Père : Hersz et Mère : Léa REMDLA]. Il est l’ainé de 6 frères et soeurs (en tout sept enfants donc) . Arrivé en 1922 avec ses parents, il réside dans un premier temps à Lunéville (Meurthe et Moselle).

Samuel est le 3ème en partant de la gauche, debout avec veste noire [Archives Famille WEBERSPIEL]

Il se marie le 10 novembre 1932 à Paris (20ème arrondissement) avec Sura LEWIN à l’époque naturalisée française depuis 1928 du fait de la naturalisation de ses parents née le 15 juillet 1913 à Varsovie [Père : Abram né le 10 juillet 1891 à Szydłowice (Pologne) et Mère : Rywka SCHACHTER née le 12 septembre 1890 à Bodzentyn Pologne]. Le couple donne naissance à une petite fille le 16 septembre 1937 prénommée Yvette Rachel née dans le 18ème arrondissement à Paris. Les deux époux exercent la profession de fourreurs au moment de leur mariage à 19 ans comme le père de Sura. Hersz et Léa, qui sont présents lors du mariage de leur fils, ne sachant ni lire ni écrire à cette époque ne signent pas l’acte de mariage.

Sura, l’épouse de Samuel est née le 5 juillet 1913 à Varsovie. Elle est l’aînée d’une fratrie avec 6 frères et soeurs : Chana née le 10 août 1915 à Varsovie, Laja née le 25 avril 1917 à Varsovie, Mindla née le 10 août 1918 à Varsovie, Fajga (dite Fanny) et Simone, les jumelles, nées le 29 avril 1926 à Paris (12ème arrondissement) et enfin Joseph Haïm (dit Joseph) née le 7 mai 1929 à Paris (12ème arrondissement). Abram, le père de Sura, est arrivé en France en 1923 habitant respectivement au départ chez son frère Deffek à Lunéville puis au 15, rue des Ecouffés à Paris puis au 19 rue Villars Biron à Saint-Ouen pendant 2 ans puis 93 rue des Poissonniers à Paris pendant 1 an. Abram exerce le métier de manoeuvre spécialisé. Le couple s’est marié le 28 octobre 1926 à Paris (18ème arrondissement), les quatre premiers enfants étant donc nés hors mariage. En février 1927, il effectue une demande de naturalisation mais celle-ci est ajournée pour un an : « l’intéressé est mal assimilé, le postulant s’exprime difficilement en français« . Un an plus tard, il est reçu au bureau du sceau avec sa femme et en présence de Sura pour évaluer son degré d’assimilation. « Abram s’exprime encore avec difficultés et son épouse comprend mais parle mal le français, la fille par contre qui a été dans une école française comprend bien le français« . L’impression qu’ils laissent est plutôt favorable mais l’assimilation est encore considérée comme insuffisante. Sa demande est ajournée une seconde fois pour un an. En 1930, re-visite au bureau du sceau : toujours des difficultés en français. On y apprend qu’il a changé de métier, a acheté un cheval et fait commerce de vieux habits et chiffons. La naturalisation est cette fois-ci acceptée « du fait que sa nombreuse famille est élevée dans nos écoles« .

Samuel va apprendre le métier de fourreur, vraisemblablement dans une école professionnelle à Strasbourg de 1927 à 1932 puis se rend à Paris pour exercer le métier de fourreur au moins à partir de cette date (il n’apparaît pas sur les listes de recensement de ses parents et frères et soeurs à Lunéville en 1931) devenant au départ apprenti pour finalement exercer la profession avec son épouse et une mécanicienne en confection dans son propre commerce à domicile à partir de 1935 au 47, rue Doudeauville dans le 18ème arrondissement à Paris dont la raison commerciale est Sally. Samuel et son épouse travaillent à façon dans la fourrure et la pelleterie et effectuent des travaux de réparation et de transformation de vêtements à l’aide de deux machines à coudre (surjeteuses) dans une pièce de l’appartement dédiée.

Peu de temps après l’entrée en guerre, Samuel s’engage dans un régiment de marche de volontaires étrangers (RMVE) via le Bureau de Recrutement de la Seine (Matricule 4816) le 12 novembre 1939 et rejoint le lendemain le dépôt de RMVE de Barcarès dans le Sud de la France. Son régiment de volontaires étrangers sera intégré dans un régiment d’artillerie (41ème) et après la drôle de guerre, celui-ci participera à la campagne de France du 3 mai 1940 au 26 juin 1940 d’abord dans la Somme puis dans la Loire et le Loir-et-Cher. Son attitude au combat lui vaudra la Croix de Guerre avec Etoile de Bronze pour la bravoure de son régiment. Il est démobilisé à Caussade (Tarn-et-Garonne), réside au moment de sa démobilisation à Montauban puis retrouve sa femme et sa fille à Paris.

En mars 1941, il lui est interdit d’exercer sa profession et les scellés sont apposés sur la pièce dédiée à son travail. Un administrateur provisoire est nommé, un certain René FABRE demeurant 62, rue Montmartre à Paris, pour « aryaniser » l’entreprise dont la valeur du stock est estimée à 14445 francs et la valeur du matériel estimée quant à elle à 25000 francs soit en tout aux alentours de 40000 francs. Le Commissariat Général aux Questions Juives considère que l’affaire je cite « ne représente aucun intérêt économique« , qu’elle ne peut être vendue et qu’elle doit en conséquence être liquidée ce qui signifie une vente aux enchères. Ce sera le cas en deux temps le 10 mars et le 10 avril 1942 par Maître MICHAUD, commissaire-priseur, à une certaine Madame RUFFIN pour la somme totale de 6045 francs soit 6 fois moins cher que la valeur estimée au départ. Cette dame RUFFIN va occuper le logement de Samuel, Sura et Yvette, exercer la profession de couturière jusqu’à la fin de la guerre. L’argent de la vente est versé sur un compte bloqué à la Caisse des Dépôts et Consignations.

Samuel se retrouve dépourvu de toutes ressources financières (à part ses éventuelles économies) et décide de passer en zone non-occupée sentant bien évidemment le danger de plus en plus grandissant pour lui, son épouse et sa petite fille. Il se rend à Pau en juillet 1941 suivi quelques mois plus tard du reste de la famille. Il réside dans un premier temps à l’Hôtel du Commerce puis au 5 bis, rue Henri Faisans puis enfin 6 avenue Edmond Rostand. Il semblerait qu’à Pau, Samuel et son épouse aient exercé une activité commerciale non autorisée en 1943 ce qui leur vaudra une condamnation à 8 mois de prison et 20000 francs de dommages et intérêts en 1943 mais ils seront tous les deux relaxés en 1946.

A Pau, la famille WEBERSPIEL est rejoint par la famille LEWIN en mars 1942 : Abram et Rywka, les parents de Sura, Chana (en couple avec Wolf ou Chaïm WALFISCH prisonnier de guerre), Laja et sa fille Danielle née le 7 janvier 1938 (sans son mari Robert KOSSIAKOFF qui a été arrêté), Mindla et Léon né en 1938 (sans son mari Chaïm dit Charles TENENBAUM également arrêté) et les trois plus petits : Fanny, Simone et Joseph.

Samuel, Sura et Yvette Rachel quittent Pau pour Grenoble (sans date mais certainement aux alentours de 1943), changent de nom pour celui de PELLETIER (en référence certainement à l’activité de pelleterie) et il semblerait qu’ils aient eu l’intention de passer en Suisse ce qui ne sera pas le cas. De Grenoble, la famille se dirige sur Lyon.

Samuel entre en Résistance et son nom apparaît dans le livre d’Annette WIEWORKA, « Ils étaient Juifs et Résistants »). Il est membre de la compagnie RAYMANN ou RAJMANN (affiche rouge), compagnie FTP-MOI (Francs-tireurs partisans de la main d’oeuvre émigrée). Il entre par ailleurs et plus tard dans le bataillon FFI Dominique comme tireur F.M. (fusil-mitrailleur). On lui vaut des coups de main, une attaque de train blindée et une attaque sur Lyon participant ainsi à la libération de la ville. Il sera cité à l’ordre du Régiment FFI n°42. Il est reconnu dans son statut de Résistant entre le 14 août et le 7 septembre 1944 par le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.

La famille rentre à Paris et intente un procès auprès de la dame RUFFIN qui avait remporté les enchères de son commerce en 1942 et occupé son appartement. Le jugement lui ait favorable et cette dame est condamnée à quitter l’appartement sans sommation. Avant de partir, déçue du retour de Juifs qu’elle pensait déportés et assassinés, elle détèriore les machines à coudre.

Sur les 9 personnes de la famille WEBERSPIEL de départ, 4 ont été déportés par différents convois. Samuel ne fera pas de demande pour un statut de déporté politique pour ses parents, frère ou soeur… Il laissera le soin aux plus jeunes de s’en occuper ce qui leur permettra de toucher un petit pécule.

Détails de la famille WEBERSPIEL, Samuel, l’aîné y figure en tête [Archives famille WEBERSPIEL]

En mai 1944, la préfecture de Haute-Garonne suite à une directive de la Préfecture de Police de Paris de décembre 1943 intente une procédure de révision de naturalisation concernant Abram (et son épouse naturalisée avec lui ainsi que les 4 premiers enfants naturalisés de la même manière). Après enquête, en août 1944, compte tenu du fait qu’Abram s’était engagé dans l’armée polonaise durant la guerre de 1914-18 et qu’il y avait obtenu une décoration, la dénaturalisation n’aura pas lieu. En revanche, les services de police s’attardent lourdement sur l’épouse de Samuel, Sura, du fait de la condamnation à Pau. Etant introuvable, Sura ne sera pas dénaturalisée.

Les deux beaux-frères de Sura ont été déportés à Auschwitz.
Robert KOSSIAKOFF, le mari de Laja et beau-frère de Samuel et Sura est arrêté le 20 o u21 août 1941 lors de la rafle du 11ème arrondissement, interné à Drancy sous le numéro 25063 où il loge Bloc 3, escalier 11-12, chambre 6 puis déporté par le convoi n°1 de Drancy à Auschwitz du 27 mars 1942.

Robert KOSSIAKOFF [Memorial de la Shoah, en ligne]

Il est rentré dans la partie concentrationnaire d’Auschwitz où il a été immatriculé sous le numéro 27683. Il est décédé 4 mois plus tard le 16 ou 18 juillet 1942.

Chaïm dit Charles TENENBAUM, le mari de Mindla, beau-frère de Samuel et Sura est arrêté lors de la rafle dite du Billet Vert le 14 mai 1941 puis déporté par le convoi 6 du 17 juillet 1942 de Pithiviers à Auschwitz.

Il est survivant à la fin de la guerre après avoir été transféré au camp de Buchenwald puis libéré par les Américains le 14 avril 1945 et rapatrié à Paris le 31 avril 1945.

Carte d’enregistrement de l’Office d’Enregistrement des Victimes de la la Guerre, Berlin
ITS Bad Arolsen [https://collections.arolsen-archives.org/en/document/130571542]

En août 1948, Samuel effectue une demande de naturalisation française qu’il obtient en mars 1949.

Samuel WEBERSPIEL 1948 [Archives Nationales, 19780314/243]

Samuel divorce de Sura en avril 1959. Pas de date de décès ni pour Samuel, ni pour Sura. Yvette leur fille décède le 12 décembre 1988 à l’âge de 51 ans.

source :
Archives Nationales, dossier de naturalisation de Samuel WEBERSPIEL, 19780314/243
Archives Nationales, dossier d’aryanisation de Sally, AJ38/1566 dossier n°3586
Archives Nationales, registre de mutation du camp de Drancy + fiches Juifs Préfecture de Police de Paris adultes et Enfants
Archives Départementales de Meurthe et Moselle
Service Historique de La Défense, Caen, dossiers de la famille WEBERSPIEL
Archives Départementales de Loire-Atlantique (concerne les parents de Samuel et frères et soeur réfugiés à La Baule ainsi que son oncle, tante, neveux et nièces)
Archives Départementales du Maine et Loire concerne les parents de Samuel et frères et soeur réfugiés à Saint-Mathurin)
Archives de Paris Etat Civil

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