
Isidore RUFF est arrivé en France par Bâle (Suisse) puis par le poste frontière de Saint-Louis (Haut-Rhin) en novembre 1931 à l’âge de 18 ans pour y poursuivre des études de médecine. Titulaire d’un baccalauréat roumain, maîtrisant le français, l’allemand, le roumain, l’ukrainien et le polonais, il s’inscrit à l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Tours sous la direction du Professeur Paul GUILLAUME-LOUIS, nommé directeur de la dite école depuis le 1er octobre 1928.
Isidore RUFF est né le 23 janvier 1913 à Ottynia (actuelle Ukraine) et la famille habite de 1913 à 1924 à Uhorniki (Ukraine) puis elle migre vers Cernauti en 1924 (actuelle Ukraine mais à l’époque roumaine). Son père Simon RUFF né le 02 octobre 1887 (Ottynia) est marié avec Amalia née BLAUKOPF née le 21 mars 1893 (Ottynia). Simon RUFF est fonctionnaire (sans précision). La famille réside 28 boulevard du roi Carol II à Cernauti et Isidore se rend dans sa famille en Roumanie chaque année pendant les coupures d’été universitaires de la mi-juillet à octobre.
Sa famille subvient financièrement à ses études mais les fréquents blocages de transfert de devises rendent la situation difficile et pour compléter ses revenus, il passe un concours en 1932 de Préparateur d’Histoire Naturelle et occupe un poste dans ce sens à l’ Ecole de Médecine de Tours. Il passe également son permis de conduire en 1932.
Il réside à Tours chez l’habitant successivement en 1931-1932 chez M et Mme SINET au 144 rue Boisdenier puis Mme VIMENET au 42, rue Léon Boyer (octobre 1932-juillet 1933) puis chez M et Mme RIGAUD au 35, rue du docteur Héron (octobre 1933-juillet 1935) puis en mai et juin 1935 chez Mme BOUTOU au 16 rue du Simier. Dans les années 1935-1936, il se rend à Paris toujours dans le cadre de ses études et réside chez Mme LIBERGE 6, rue Blainville dans le 5ème arrondissement (octobre 1935-avril 1936) puis entre avril et juillet 1936 revient sur Tours où il réside chez Mme THAREAU au 64, rue de l’Alma puis revient sur Paris entre Juillet et octobre 1936 chez M JEX au 54, rue Monge dans le 5ème arrondissement. Ces épisodes parisiens sont nécessités par le fait qu’Isidore passe le concours de l’internat qu’il réussit et devient Interne en Psychiatrie. Il se rend alors dans le Maine-et-Loire pour effectuer son stage d’internat à la Maison de Santé Départementale (Asile Psychiatrique) de Sainte-Gemmes-sur-Loire (à partir de novembre 1936 jusqu’en octobre 1939).
![Arrêté de nomination d'Isidore RUFF comme interne en psychiatrie à l'Asile Psychiatrique de Sainte-Gemmes-sur-Loire [ADML 120W63]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/07/31ruffisidoreadml120w63.jpg)
Il effectue une première demande de naturalisation en 1936-1937, demande validée par les autorités préfectorales qui émettent un avis favorable, mais sa demande est ajournée pour 2 ans suite à un avis défavorable du Ministère de la Santé [Dossier n°4552X37]. Il renouvellera sa demande une seconde fois en 1940.
La première étape de l’exclusion des médecins juifs a été la promulgation de la loi du 16 août 1940 qui interdisait l’exercice de la médecine aux praticiens étrangers, à ceux qui avaient acquis la nationalité française après 1927 et à ceux qui, nés en France, étaient de père étranger.
Depuis les années 1920, de nombreux jeunes Juifs étrangers, roumains pour la plupart, sont venus faire leurs études médicales en France. Empêchés d’étudier la médecine dans leur pays à cause d’un antisémitisme virulent, ces derniers profitent d’un accord datant du Second Empire qui institue l’équivalence du baccalauréat roumain et du baccalauréat français. Leurs études terminées, ils peuvent même s’installer en France car la nationalité française n’est pas, à cette époque, nécessaire à l’exercice de la médecine. Or, dans les années 1920-1930, le nombre des médecins s’accroît. Syndicats médicaux et doyens des facultés de médecine s’alarment de cette « pléthore » : alors qu’on n’attend guère de nouveaux progrès médicaux, elle dépasse de beaucoup, pense-t-on, les besoins de la population et risque de paupériser la profession médicale. Cette « pléthore » est essentiellement attribuée à l’« invasion » de ces « métèques », accusés d’incompétence, d’absence d’éthique et d’ignorance complète des traditions françaises. Campagnes de presse, manifestations et grèves favorisent l’adoption, au cours des années 1930, de nouvelles lois supprimant le « privilège roumain » et rendant obligatoire la nationalité française pour exercer la médecine en France. Il s’y ajoute des instructions ministérielles visant à refuser la naturalisation française aux jeunes médecins qui la demandent, juifs pour la plupart.
Nahum Henri, « L’éviction des médecins juifs dans la France de Vichy », Archives Juives, 2008/1 (Vol. 41), p. 41-58. DOI : 10.3917/aj.411.0041. URL : https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2008-1-page-41.htm
Engagé à l’entrée en guerre entre la France et l’Allemagne en septembre 1939, il est affecté à partir du 15 octobre 1939 comme soldat-infirmier de 2nde classe à l’Hôpital auxiliaire de l’Ecole Normale d’Instituteurs de garçons au 14, rue de la Juiverie à Angers où il est d’ailleurs lui-même hospitalisé puis en janvier 1940 à l’Hôpital Mixte de Parthenay (Deux-Sèvres) puis en avril 1940 toujours dans la 9ème section d’Infirmiers à l’Hôpital de Châteauroux.
Interdit d’exercer sa profession de médecin, Isidore va travailler comme employé de bureau au Syndicat Agricole des Centres de Champignons de l’Ouest aux Tuffeaux près de Saumur (Maine-et-Loire) à partir d’avril 1941 sous la direction de M Louis JUVIN, champignogniste qui réside 171, avenue Pasteur à Angers. Isidore habite alors 3, Cloître Saint-Martin à Angers.
Isidore RUFF n’est pas recensé en tant que Juif sur l’arrondissement de Saint-Nazaire entre le 27 septembre et le 20 octobre 1940 et nous ignorons s’il l’a été dans le département du Maine-et-Loire, le registre ayant disparu.
Le 05 juillet 1941, il refuse sa nouvelle carte d’identité car celle-ci porte la mention « Juif ».
![Dossier d'étranger d'Isidore RUFF [ADML 120W63]](https://shoahpresquile.files.wordpress.com/2019/07/08ruffisidoreadml120w63.jpg)
Les autorités françaises informent les autorités allemandes du refus de carte d’identité d’Isidore et celui-ci est écroué à la prison de Saint-Nazaire entre le 08 et le 30 juillet 1941 pour je cite « activité d’espionnage ». Il réside alors à Pornichet.
Il est ensuite transféré au Commissariat d’Angers après sa libération de la prison de Saint-Nazaire.
Il est libéré du commissariat d’Angers et effectue une demande de carte d’identité en mai 1942.
Isidore RUFF est arrêté le 15 juillet 1942 à Angers où il réside au 3, Cloître Saint-Martin à son domicile par la police allemande. Nous ignorons par quel convoi il a été déporté. Il ne figure pas dans la liste du convoi numéro 8 d’Angers à Auschwitz du 20 juillet 1942.
Isidore RUFF a été affecté au Block 9 comme médecin dans le camp mère d’Auschwitz. Il écrira une lettre à Marcelle BOISDRON début 1943. Deux médecins témoignent par écrit de sa présence au camp : le docteur MOSCOVICI habitant Vernoil-le-Fourrier (Maine-et-Loire) ainsi que le docteur Benjamin AIZENSTADT habitant Nancy.
Isidore RUFF est décédé à l’infirmerie du camp d’Auschwitz-Birkenau le 09 février 1943 d’un oedeme de carence. Un document du Musée d’Auschwitz atteste de la date de son décès.
Mademoiselle Marcelle BOISDRON (épouse BARON en 1948), amie d’Isidore, et qui résidait à la même adresse, entreprendra les démarches auprès du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre dans les démarches administratives de régularisation de l’état civil. Un acte de décès sera retranscrit sur les registres d’état civil d’Angers en 1947